La débâcle

Le constat est assez rapide et visiblement assez partagé, Napoléon n'est pas un très bon film. Et je ne parlerai pas du point de vue historique même si j'ai vu passer les polémiques, mais bien uniquement du point de vue narratif. Le Ridley Scott veut tout simplement en dire trop sans prendre de parti-pris dans ce qu'il a envie de montrer. Il nous sert ainsi un plat avec beaucoup trop d'assaisonnement disparate et à la fin il n'y a plus aucun goût qui ressort. C'est à la fois un film historique, un biopic qui se plie aux règles fastidieuses de la litanie de date sur plus de 30 ans mais également une grande histoire d'amour.

Alors que ces trois angles peuvent à chacun constituer des films complets et pertinents, le réalisateur traite ici les trois simultanément et n'offre que du superficiel parsemé d'incompréhension voire d'incohérences. Le biopic se déroule sur une période bien trop large enchaînant ainsi les dates et les événements sans vraiment de contexte, sans vraiment d'introduction ni de temps pour s’attacher aux personnages, avec un Joachim Phoenix qui a bien du mal à passer pour un jeune de 20 ans. On passe d'un événement à l'autre sans forcément saisir le sens des retournements ou même l'impact que ça peut avoir sur l'histoire, la société ou les gens. On ne comprend pas vraiment ce qu'on vient faire en Égypte ni comment on peut passer d'un « je ne souhaite que la paix » à la bataille d’Austerlitz — Qu’est-ce qu’on vient faire à Austerlitz si on est en train de se défendre ? — ou comment on peut marier une princesse autrichienne pour 5 secondes plus tard être en guerre contre son pays. Je ne suis déjà pas fan du de l'exercice du biopic mais là encore une fois ça n'apporte pas grand-chose à Napoléon en tant qu’homme, qui est décrit comme un grand taiseux ou une crapule grossière — et on se demande même comment il a pu être un leader charismatique de suivi par tous.

D'un point de vue historique, au-delà de la question de l'exactitude c'est vraiment le contexte qui fait défaut. Après tout Ridley Scott fait une fiction et il peut bien faire ce qu'il veut. Mais c'est compliqué d’appréhender la violence de la révolution et la réaction belligérante des pays tout autour sans aller au-delà de la terreur et de du guillotinage de Marie Antoinette. Si je reviens en Égypte, c'est également dommage de montrer la découverte des momies sans parler vraiment d'égyptologie, de montrer un divorce tout à fait officiel sans parler du code civil. Encore une fois je ne demande pas au film d'être un documentaire ou d'être une exégèse de l'époque napoléonienne, mais en fait je préférais d'un point de vue narratif qu'on raconte moins de choses et qu'on les traite un peu mieux, plutôt que de les poser là et quelque part de nous dire « bah démerdez vous avec ça pour suivre ou pour vous sentir impliqué ».

Et si on en vient à l'histoire d'amour entre Napoléon et Joséphine, qui était apparemment un thème qu’avait vraiment envie de traiter Ridley Scott, tout ça paraît un peu bâclé et dissonant. On a du mal là encore du mal à s’impliquer dans une relation avec deux personnages qui paraissent plus côté à côte qu’ensemble. Qui est Napoléon, ce rustre qui pourtant écrit de des lettres si raffinées, qui drague comme un papy de 50 ans tout en étant un peu bestial, pendant que Madame a l'air de bien s’ennuyer sous ses assauts ? En quoi cette relation est si importante et si passionnelle, à certains moments elle en est une affaire d’État, à d’autres une note en bas de page.

Enfin on ne comprend pas ce que Ridley Scott veut que nous retenions de son Napoléon, qu'il s'amuse à ridiculiser dans certaines de ses échanges en petit comité mais qu'il filme de manière plutôt héroïque et glorifié dès qu'on se retrouve dans des grandes scènes de batailles. Et à force de ne pas comprendre, et même si on ne s’ennuie pas car la cinématographie est bonne et le réalisateur talentueux, le film ne génère pas d’attachement ou d’émotions. Il papillonne et le résultat narratif est au mieux inoffensif et insipide.