Naqoyqatsi… belle excitation quand j’avais appris la mise en chantier du projet ! Dernière pierre à la trilogie des Qatsi, elle ne pouvait être que fabuleuse. Je me souviens avoir commandé illico le DVD américain en import et avoir inséré avec fébrilité la galette dans le lecteur… avant de déchanter méchamment. Tant d’attente pour ça ? Je crois même avoir piqué un roupillon lors du premier visionnage et, lors d’autres tentatives, même chose.
Mais là, maintenant que je dispose d’une pièce avec VP dédiée au home cinema, ça allait être autre chose, forcément une nouvelle expérience ! Expérience que j’ai tentée hier.
Verdict ?
Ben, ça reste quand même pas mal foireux et décevant (et en même temps, pas si mauvais).
Il n’y a pas eu de miracle parce que, justement, le miracle reposait sur l’association Reggio – Glass – Fricke. Ce dernier ayant préféré faire ses propres films, on se retrouve avec un certain Russell Lee Fine à la photographie et surtout Jon Kane pour les bidouillages numériques et, autant le dire, le résultat, déjà pas heureux à l’époque, a très mal vieilli et fait saigner les yeux. Pourtant, le film date de 2002 mais rien à faire, se retrouver parfois à des séquences qui rappellent le clip de Money for nothing de Dire Straits (je n’exagère pas), c’est incompréhensible.
Alors le père Glass est resté fidèle, lui, et on ne peut l’accuser d’avoir manqué d’inspiration. Sa partition est dans l’esprit des précédentes et dispose de jolis moments de bravoure (si elle n’égale pas celle de Koyaanisqatsi, je la trouve supérieure à celle de Powaqqatsi). Après, la B.O. ne peut pas non plus suffire, il faut qu’elle fusionne avec les images et le propos qui les sous-tend. Et là aussi, ce n’est pas la joie. A la fin, on a l’habituel écran qui nous donne la définition du titre. On apprend donc que Naqoyqatsi signifie donc « life as war » ou « civilized violence ». Le problème est que le traitement de la guerre et de la violence a été, tout le long de l’heure et demie, bien épisodique. En fait, le spectateur gagnera à avoir conscience de ce découpage que Reggio a donné concernant la structure de son film :
1) Numerica.com : le langage et les espaces réels sont remplacés par les codes numériques et la réalité virtuelle.
2) Circus maximus : l’ère des compétitions, des records, de la réputation et de l’amour de l’argent. La vie est devenue un jeu.
3) Rocketship twentieth century : Un monde que la langage ne peut plus décrire. Le rythme imposé par la technologie débouche sur la guerre et la violence civilisée.
Présenté comme cela, ça paraît en effet plus clair. Il n’empêche, bombardé d’images, le spectateur peine à trouver du sens dans ce gloubi-boulga.
Mais au bout du compte, perce une étrange impression, celle d’un chaos généralisé qui, finalement, peut apparaître visionnaire au regard de notre époque où l’écran est roi, où le monde prend feu en Ukraine et au Moyen Orient, où la nature prend l’eau de toutes parts (oubliez ici les somptueux plans naturels de Koyaanisqatsi, il n’y en a pas), où Trump et Musk ont pris le pouvoir, enfin où l’I.A. déclenche un engouement aussi hystérique que dangereux. Oui, si l’on considère que notre époque est devenue un hideux shaker dans lequel on crashteste (pour reprendre la phrase utilisée sur l’affiche) l’humanité, alors le bordel, la laideur et l’incohérence de Naqoyqtasi apparaissent comme… tout ce qu’il y a de plus cohérents.
Et si le film apparaît toujours lourd et désagréable à regarder (mais, encore une fois, pas à écouter), on peut se demander s’il pouvait en être autrement. La machine, largement évoquée dans le premier opus, semble avoir pris le pouvoir et le dernier plan du film laisse assez peu d’espoir sur le devenir de l’homme. Les esprits les plus optimistes y verront peut-être une course vers l’espace pour y trouver un nouveau havre. Mais après ce que l’on a vu une heure et demie, on sera plus enclin à y voir une sorte d’Icare destiné à redevenir une poussière d’étoiles.
Koyaanisqatsi se terminait sur une fusée explosée effectuant un mouvement descendant. Naqoyqatsi se termine sur un mouvement ascendant, mais pas forcément réjouissant.