Pas beaucoup de monde hier après midi à la projection du dernier documentaire de Frederick Wiseman, mais une salle avec beaucoup de fidèles, d’admirateurs vieux comme jeunes. Et il était là, en personne, l’un des plus grands documentaristes vivants.
« Je n’ai rien à vous dire avant le film, ni même après, mais je vous souhaite une bonne projection. »
Les lumières s’éteignent.
Comme un à son habitude, Wiseman trouve immédiatement l’exacte distance avec le réel filmé capable de mettre en valeur son sujet. Ici, on nous ouvre les coulisses de la National Gallery de Londres comme un coffre au trésor duquel on nous aurait exceptionnellement prêté la clé. Le documentariste ne passe à côté de rien, prend le temps de poser un regard à la fois riche et concis sur son propre attachement envers le musée. C’est peut-être avant tout ça être documentariste, mettre en scène la sensibilité de son propre regard, et Wiseman l’a compris depuis bien longtemps.
Ayant tourné et monté le film lui même, Wiseman convoque ses maintes émotions et désirs du lieu dans une organisation drastique, les séquences retenues sont de véritables élues.
En ne se restreignant à aucun personnage, salle, étape, nous nous balançons entre tous les acteurs au rythme des événements de la National Gallery. Les expositions, les conférences, les restaurations, toutes ces différentes formes de vie alimentant le musée nous sont dépeintes dans un parfait équilibre.
Wisemanaà ce constant souci de nous faire pénétrer dans l’intégralité des scènes (de l’analyse d’un tableau aux questions budgétaires) en tant que privilégié. Tout son travail consiste à nous placer en tant qu’intime, nous faire pénétrer dans cette famille de conservateurs d’oeuvre d’Art. Pour ce faire, le documentariste use d’un rapport au temps particulièrement réussi car respecteux au plus haut point ce qui est dit où ce qui est fait. Jamais le montage ne charcute ou élimine les « temps morts » au profit d’une performance informative (en apprendre le maximum en un minimum de temps).
Cette croyance qu’a Wiseman en le personnel de la National Galery, cette confiance qu’il leur attribue à transmettre leur passion pour une oeuvre, un artisanat, un savoir, révèle l’intelligence du cinéaste à maîtriser et connaître ce qu’il entreprend de capter. La posture minimaliste du film démontre le talent qu’a Wiseman à se faire oublier au profit d’une posture en immersion parvenant une fois encore à lever les secrets du réel et nous sortir de la salle toujours un peu plus proche de l’autre.
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