Penser ses plaies
Quel âge peu bien avoir ce vieil homme rondouillet et grisonnant, 66 ans? Il doit être père d'enfants devenu grand, qu'il aurait eu avant la trentaine, peut-être même au début de la vingtaine, et...
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le 12 sept. 2015
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Quel âge peu bien avoir ce vieil homme rondouillet et grisonnant, 66 ans? Il doit être père d'enfants devenu grand, qu'il aurait eu avant la trentaine, peut-être même au début de la vingtaine, et depuis, il a toujours la même vie, avec la même femme, le même travail, dans le même bureau. C'est ce que pense Martin, dans un monologue interne externalisé par une voix off monocorde, homme entre deux ages tourmenté de doutes dont le travail indéterminé lui laisse le temps de rêvasser en fixant le monde par la fenêtre et d'imaginer la vie monotone des gens qui croise son regard. Disons un vieil homme rondouillet et grisonnant. Mais lui a une bonne trentaine d'années en moins et il lui reste pas mal de temps avant d'en arriver là, suffisamment pour tout recommencer. Peut-être.
Martin est le genre d'homme à ne pas savoir quand placer une parole pendant une conversation en attendant l'ascenseur, à ne pas savoir comment répondre à une blague ou à une tape sur l'épaule et qui se propose nerveusement de venir boire un verre avec les collègues un vendredi soir, en sachant très bien qu'il n'ira pas car il va faire de la randonnée. Plus tard, il se demandera devant son téléphone comment annoncer de la meilleur manière possible que finalement, il ne viendra pas. Le genre d'homme qui a prévu son excursion depuis des jours sans vraiment bien l'annoncer à sa femme qu'il retrouve chez lui, et avec qui il échange quelques phrases bateaux, qu'on sait répétés des centaines de fois, rouages d'un ménage, ou d'un manège, qui a depuis longtemps fait le tour. Il retrouve en même temps son fils, avec qui il échangera les mêmes phrases robotisées. Le genre d'homme qui une fois parti culpabilisera, se demandera s'il n'aurait pas du l'embrasser avant de partir, ou même en arrivant, ou prendre son fils avec lui, ou bien même ne pas y aller et faire des gaufres en famille.
Homme mature et dame nature
Martin n'est pas une homme déchiré par une situation familiale désolée, ni un homme écrasé sous une montagne de pression et encore moins un hommes torturé par une condition sociale insoutenable. C'est seulement un homme qui arrive bientôt à la moitié de sa vie, un peu monotone, un peu ennuyeuse, un peu trop bien rangée, et qui en prend conscience. A mesure qu'il va s'enfoncer dans la nature nordique, le flot continue de ses pensées qui peuvent sembler bien familière, même à ceux qui ne partage pas du tout les mêmes préoccupations, va explorer les fantaisies, sur le mariage, sur le divorce, sur la mort de se femme, sur un accident qui le rendrait paralysé, sur plus où moins toutes les femmes qu'il croise, d'un cerveau qui pense que se vie peut toujours s'améliorer. Qui veut penser que sa vie peut toujours s'améliorer.
Ses pensées fusent pendant qu'ils court à travers les arbres verts orangés, les plaines mousseuses marrons jaunâtres et les étendues d'eaux qui reflètent un ciel totalement blanc, essayant de fuir, de laisser loin derrière lui sa culpabilité, ses doutes, ses incertitudes, ses complexes, ses peurs. Sa conscience qui le harcèle. Puis, quand la lassitude de ses fantaisies fantasmées limitées commence à se faire sentir, il s'arrête pour une petite branlette derrière un arbre, malencontreusement interrompue par un chasseur et son chien, la débandade, et le rythme se calme, le monologue se fait moins frénétiques, moins superficiel. Plus profond, plus spirituel. Les plans larges contemplatifs d'une nature magnifique s'intercalent entre les plans resserrés sur Martin, perdu dans l'étroitesse de son cerveau face à l'immensité de la nature.
Un cerveau qui se laisse aller, se lâche, se libère, seul, au milieu de nulle part, loin du regard des autres, mais qui va se retrouver devant le test de ses fantaisies échappatoires, en rencontrant une autre randonneuse, dans un petit chalet au coin du feu, pour une scène à la sensualité magnifiée par une photographie léchée. Une rencontre pour nous rappeler que les dialogues monotones ne sont que des fantasmes qui se jouent de nous et que l'on échappe pas aussi facilement à qui nous sommes, à nos doutes, à nos peurs, à nos incertitudes, à nos complexe. A nos vie.
Après un week end à penser ses plaies au milieu de la nature, Martin rentre chez lui. Son fils joue seul au ballon dans le jardin. Il pose son sac et propose gauchement de jouer au frisbee avec lui. Martin quitte l'image, son fils y reste, lui envoie le frisbee.
Martin est toujours le même homme qu'hier, et il sera probablement toujours le même demain. Jusqu'à sa prochaine randonnée.
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le 12 sept. 2015
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