Certains ne jurent que par Ari Aster ou Jordan Peele. D'autres vous parleront sans doute d'un gars comme Robert Eggers avec des étoiles dans les yeux. Quelques uns se rappelleront enfin des frissons qu'avait pu leur procurer David Robert Mitchell.
Tous ceux-là méritent des éloges, pour sûr, tant The Witch, It Follows, Get Out ou Hérédité portent avec force la puissance de la nouvelle vague horrifique. Bénéficiant à l'occasion d'une hype festivalière parfois bienvenue.
Mais moi, quand on me parle de fantastique teinté d'horreur, j'ai tendance à lâcher un autre nom que ceux-là.
Car oui, je serais plus du style à sortir, sans réfléchir, le nom de Mike Flanagan.
Car je l'aime, ce mec, comme un fou.
J'ai fait sa connaissance à l'occasion de la sortie de Oculus en 2013, quand, dans les pages de Mad Movies, on parlait de lui comme un réalisateur à suivre et qu'on lui tressait des louanges, même s'il s'agissait d'une sortie en direct-to-video, pas forcément synonyme de grande qualité. Et j'ai profité de l'apparition de son opus dans les bacs à soldes pour goûter sa filmographie.
Et enchaîner, dès les bonus du blu ray, avec le court métrage Oculus : Chapter 3 - The Man with the Plan. Et jusqu'à Doctor Sleep, qu'il est de bon ton de dénigrer, et son magnum opus : The Haunting of Hill House, sur Netflix.
C'est sur la plateforme au N rouge que j'ai pu rattraper avec gourmandise Ne T'Endors Pas et retrouver l'univers bien rôdé du cinéaste, basé sur la contamination par le fantastique de la cellule familiale et les fantômes du passé.
Rien de foncièrement neuf donc, a priori, pour qui connait un peu le style Flanagan, avec ce couple tragique recueillant un petit bonhomme après la mort de son propre fils. Certains vous diront sans doute, le cynisme étant la chose du monde la mieux partagé à l'ère du numérique, que l'on se noie dans le naïf et dans le gnangnantisme.
Je m'en fous.
Ils vous diront aussi que cela ne fait finalement pas très peur.
Je m'en fous aussi.
Car Ne T'Endors Pas est sans doute classé à tort dans le genre épouvante / horreur, qui est pourtant loin d'être son alpha et son oméga.
Oui, il y a des apparitions monstrueuses, une réalité qui se dérègle et un don capable à la fois d'enchanter et de terrifier. Mais l'on ne peut s'empêcher de retenir à la fin du film une certaine forme de poésie pure, de mélancolie infinie et de résilience.
Une poésie pure qui irrigue la première apparition de papillons, dans une suspension irréelle du temps, avant d'être polluée par une ombre fugace inquiétante, ou une tâche qui s'étend et contamine en arrière plan.
Une mélancolie infinie irriguant un climax merveilleux, ou encore le souvenir d'un être cher revécu dans un rêve devenu réalité, empêchant de faire pleinement son deuil.
Une résilience irriguant les dernières images de Ne T'Endors Pas, dans une étreinte émouvante.
Ainsi, loin de l'épouvante que certains attendaient avec ferveur, l'oeuvre peut plus franchement être décrite comme un conte mortifère au coeur éperdu, s'intéressant beaucoup moins à son ride qu'à la sensibilité de ses deux personnages clés face au deuil, ainsi qu'à leur perception fragile de la mort. Et c'est tout ce qui fait le prix de l'entreprise, qui pourra se rapprocher, dans son feeling général, d'un film comme Quelques Minutes Après Minuit.
Parce que Ne T'Endors Pas joue principalement sur l'imaginaire de l'enfant qu'il met en scène, la déformation des événements qui le touchent et la compréhension des plus fragiles, au vu de son âge, de ce qui l'affecte. Tandis que Mike Flanagan réussit, avec style, à nourrir en nuances de gris ses personnages a priori superficiels en même temps que son ambiance hybride qui balance entre émerveillement et ténèbres.
Mike Flanagan conjugue donc son fantastique en mode psychologique et prouve, s'il en était encore besoin, son habilité de conteur dans une approche touchante du genre qu'il affectionne.
Behind_the_Mask, papillon de nuit.