Relevé par sa surprise finale qui fait sortir le film de ce qui était devenu une routine (crapahutage dans la nature / voix off désabusée / activité absurde), Near Death Experience reste à mon sens une pièce mineure de la filmographie des deux zozos Kervern et Delépine, qui continuent à accumuler plans fixes, cadrages choisis et montage contemplatif. Pour le reste, Houellebecq partout, qui semble s’auto-caricaturer.
Est-ce un bon acteur ? J’en doute sincèrement. Mais je remarque que son phrasé à faire soupirer les orthophonistes et sa trogne à faire peur aux enfants donnent au film sa singularité. Or, tant qu’à faire, mon voisin Roger, qui a une élocution encore plus trouble et une gueule encore plus ravagée (il doit avoir dix ans de plus que Michel), aurait lui aussi donné au film sa singularité. Quelques heures de formation pour tenir sa clope entre le majeur et l’annulaire (avec des Gitane maïs, pas facile), et c’était joué.
Le film n’aurait pas été moins bon avec Roger (d’autant que, j’ai vérifié, le texte de la voix off est écrit par Gustave et Benoît), mais il aurait sans doute eu encore moins de succès. Je ne l’aurais peut-être pas regardé. Les réalisateurs ne l’auraient peut-être pas réalisé. Ça ne me gêne pas autant que le sentiment de son insignifiance existentielle perturbe Paul, mais enfin ça me gêne quand même. (Ça me gêne aussi qu’un exilé fiscal joue un petit employé, comme ça me gêne encore qu’un type qui revendique indirectement une forme de snobisme joue au laissé pour compte de la société. Mais on s’éloigne du cinéma.)
Mais peut-être qu’avec Roger plutôt que Michel, Near Death Experience serait passé de façon encore plus nette pour ce qu’il est : un long métrage construit sur un scénario de court, avec quelques trouvailles formelles (le générique de début construit comme un générique de fin, la cohabitation Schubert / Black Sabbath), un tour de main et quelques éléments hors-cinéma qui lui permettent de ne pas dérailler.