Pour les adeptes de road-trip avec un papa bougon...

« Nebraska » est une réalisation d’Alexandre Payne. Il possède une certaine cote dans le milieu du septième art. Personnellement, j’avais bien apprécié son « About Schmidt » et m’étais profondément ennuyé devant son « The Descendants ». Je ne savais donc pas trop à quoi m’attendre en allant voir sa dernière œuvre, sortie dans les salles le deux avril dernier. Les critiques étaient plutôt élogieuses. Le film avait eu l’honneur d’être nominé dans six catégories aux derniers Oscar. De plus, son interprète principal, Bruce Dern, avait été récompensé du prix d’interprétation masculine lors du festival de Cannes de l’année dernière. Tout cela indiquait la présence potentielle d’un film bien construit. Il ne restait plus qu’à espérer succomber à ses charmes.

J’emprunte les mots d’Allociné pour vous présenter un résumé des enjeux de l’histoire : « Un vieil homme, persuadé qu’il a gagné le gros lot à un improbable tirage au sort par correspondance, cherche à rejoindre le Nebraska pour y recevoir son gain, à pied puisqu’il ne peut plus conduire. Un de ses deux films se décide finalement à amener son père en voiture chercher ce chèque auquel personne ne croit. Pendant le voyage, le vieillard se blesse et l’équipée fait une étape forcée dans une petite ville perdue du Nebraska qui s’avère être le lieu où le père a grandi. C’est ici que tout dérape. Rassurez-vous, c’est une comédie ! »

Le synopsis indique clairement bon nombre des ingrédients de la recette du film. On peut supposer être plongé dans un road trip américain dans lequel les problématiques des rapports père-fils couplées à un retour au passé vont trouver un terreau fertile. Tout cela n’est pas novateur et a généré des résultats très variés sur le plan qualitatif dans l’Histoire du cinéma. Ce type de trame nécessite un vrai travail d’écriture, des décors mis en valeur et des acteurs de qualité. Aucun de ses aspects ne doit être négligé pour la narration ne devienne ni fade ni ennuyeuse ni caricaturale.

La mise en place de l’histoire est bien menée. Les premières scènes n’ont aucun mal à présenter les personnages. Le père, Woody, est brillamment incarné par Bruce Dern et ses premiers actes ou remarques nous permettent de le cerner aisément. Sa fragilité couplée à un mauvais caractère évident en fait quelqu’un de finalement assez attachant sans pour autant espérer le côtoyer au quotidien ! Parallèlement son fils David qui prend les traits de Will Forte est présenté sous un jour plus positif. Il accepte de mener son père dans une cause perdue bien que ce dernier soit loin de s’être montré comme un modèle d’image paternelle. Il joue le rôle du bon fils et son sacerdoce nous le rend sympathique.

Les deux protagonistes sont donc bien nés. Il restait donc à voir si une fois en voiture, leur voyage allait donner lieu à des moments et des rencontres intéressantes. Globalement, je peux dire que le scénariste remplit le cahier des charges mais sans déborder des lignes. Il offre des dialogues savoureux et quelques rencontres marquantes. Certains moments touchent la fibre sensible du spectateur. D’autres chatouillent ses zygomatiques. Néanmoins, je ne peux pas dire que leurs pérégrinations m’aient complètement transporté. Evidemment, je me doute qu’une traversée du pays ne peut pas être qu’un enchaînement continu d’événements passionnants. Malgré tout, je trouve que l’intensité dramatique vient à manquer sur la durée. Il y a trop de moments où, de mon point de vue, je n’ai pas quitté mon statut de spectateur. C’est dommage. En ce sens, le fait de filmer en noir et blanc a tendance à poser une couche de vernis sur l’image plutôt qu’à la sublimer afin d’immerger le public dans le film. Mais ce n’est qu’un point de vue.

Ce léger manque de dramaturgie est regrettable dans le sens où la trame de manque pas de support dans le domaine. Par exemple, le retour de Woody sur les lieux de sa jeunesse présente bon nombre de ficelles intéressantes. Le fait qu’au crépuscule de sa vie, le retour dans son passé peut générer des réflexions nostalgiques ou douloureuses. On y croise des personnes qui n’ont jamais bougé des lieux et qui donne l’impression que le temps n’a pas bougé depuis le départ de certains. Cela ravive des jalousies, des malaises ou des conflits vieux de plusieurs dizaines d’années. De plus, ces bourgades américaines ont un tel potentiel cinématographique à créer l’atmosphère presque oppressante d’être perdu au milieu de nulle part. Tout cela est exploité avec talent par Alexandre Payne. Mais il n’arrive jamais à le magnifier sur la durée.

Pour conclure, « Nebraska » possède une identité intéressante. L’ensemble apparaît crédible et je n’ai eu aucun mal à suivre les aventures de couple père-fils plutôt réussi. Les lieux traversés n’étaient pas particulièrement originaux mais possédaient suffisamment de charme pour m’y plonger sans difficulté. Mon seul regret concerne le sentiment que j’ai de voir un potentiel existant sous-exploité. Je me trompe peut-être mais le fait que cet opus m’aura fait passer un bon moment sans pour autant me transporter émotionnellement. J’ai su m’en contenter, ce n’était déjà pas si mal…
Eric17
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le 21 juil. 2014

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Eric17

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