En préambule, j’ai envie de dire Vroum. Alors je le dis. Vroum.
Ça suffirait presque, mais, je vais développer si t’as 5 minutes.
Ce soir-là, c’était un samedi soir et j’étais triste comme un Marseillais. Je me sentais tout vieux, comme si j’étais la couille gauche de Jean d’Ormesson, qui porte à droite comme chacun sait. Je ruminais comme un Zeubignomewhere, je ne sais pas si je t’ai déjà parlé de ce pote à moi, qui ne trouve pas sa paille pour s’enfiler sa bouillie du soir, sous son plaid élimé qu’il se refuse à changer vu qu’un sou est un sou, alors qu’il peine à réchauffer ce corps de lâche que Dieu lui a donné et peste car il sait qu’il va rater le début de "Questions pour un Champion". Et il a envie de pleurer, boursouflé par son mauvais vin quotidien.
J’étais mal donc, pas vif, pas pertinent, y’avait comme un truc qui passait pas, j’étais proche du trépas. Je le sentais comme une évidence, fallait faire quelque chose. Comme le jour où j’ai mis deux baffes à mon beau-frère pharmacien qui tentait de m’expliquer qu’un suppositoire, ça se met dans l’autre sens qu’on croit, tout en se foutant de ma gueule. Parce que c’est mécanique, tout ça. Putain de pièce rapportée qui te prend pour un jambon, ouvertement, alors que toi, tu le respectes bien qu’il porte la raie sur le côté, des costards quoi, au 21ème siècle et qu’il vienne de Reims.
Alors, comme, même dans la faiblesse qui toi, te tuerait, moi, j’ai toujours cette force qui fait les héros, tu sais, celui qui voit la brèche, la lumière quand la sombritude te noie, qui fait un pont de son corps pour que tu traverses sans risque, qui sait que si tu préfères le beurre doux, c’est que t’es pas un être humain digne de ce nom, je me suis dit : «Didon, gros con, tu devrais te mater un film de jeune».
Un film de jeune, dans le jargon de ma connasse de conscience, je ne sais pas trop ce que ça veut dire. Ça ressemble même à s’y méprendre à une imbécillité mais ça fait réfléchir. Ça voudrait dire, si je suis bien, qu’il y a, potentiellement, des films pour les vieux, pour les cons, pour les femmes, pour les moches, pour les Polonais, pour les ladyboys, pour les chauves, pour les chiens, pour ceux qui aiment tremper du camembert dans leur café, pour les myopes, pour ceux qui font des petits projectiles avec leurs crottes de nez pour les envoyer sur leur pauvre fille qui essaie de faire ses devoirs, pour les presse-bites, pour les gays, pour les abrutis, pour Marine LePen, pour les gens qui ont les dents du bonheur ou ceux qui se grattent les couilles dans le sens des aiguilles d’une montre. Bref, tu vois un peu la conne de conscience qu’un mec comme moi est obligé de se trimbaler alors qu’il n’a tué personne, qu’il se lave les dents 19 fois par jour et qui n’oublie jamais qu’il ne faut pas se jeter à l’eau si on ne sait pas nager et qu’on n’a pas pied. Le mec net, quoi, toujours sur la brèche, faut ça pour faire la route.
Cela étant, j’avais toujours cette boule au ventre en insérant le disque de Need For Speed, le bien nommé film de jeune sur lequel je jetai mon dévolu, dans mon lecteur, avec cette délicatesse légendaire que je distille à tout ce qui ressemble à une rondelle pourvu qu’elle brille, et ce, presque en gémissant tellement j’étais maussade.
Pas maussade au point de m’installer en Israël, mais pas loin.
Ça passait toujours pas.
Il me fallait du revigorant, de la coke en film, un truc pour faire gigoter cette pauvre carcasse déjà essoufflée alors que sa route n’est pas finie, j’espère.
Il me fallait du splendide.
Et franchement, c’est beau.
On n’est pas loin du pur chef d’œuvre.
Déjà y a le mec de Breaking Bad. Non, pas lui, l’autre.
Il fait super bien le mec qui parle pas ou alors juste pour dire l’essentiel. Pour ainsi dire, pas grand-chose. L’homme dans toute sa splendeur.
Après, il y a Michael Keaton qui n’en finit pas de renaître en fait. Le mec, tu lui mets une webcam et il te fait un One Man Show qui, à lui seul, vaut le coup d’œil.
Ce film m’a bouleversé, il m’a beaucoup touché. La victoire du prolétariat, ça m’a parlé plus fort qu’une Carla Bruni à l’oreille. J’ai trouvé ça tellement intelligent de déposer ça, ce message, pour que ça rentre dans les crânes des morveux qui ne savent déjà pas marcher correctement, et qui bavent, en contemplant des mecs qui conduisent des caisses, (enfin quand je dis conduire, tu m’as compris), qu’eux, ne verront sans doute jamais autrement qu’en photo.
C’est du lourd. Tu vois, la propagande se niche parfois dans les trous de balle qui font les bouses !
Et j’ai entendu cette petite voix qui m’a dit « Mais tu ne vas pas mettre 10 quand même ?!? »
Et là, la révélation.
Ce poids, cette lourdeur, cette mélancolie qui s’explique, prélude à son envol prochain et à ma forme retrouvée qui s’annonce.
C’était un soir de pleine lune, il faisait froid et je venais de voir une merde à laquelle sans la moindre hésitation j’avais collé un 10. Ou un 9. Et là, l’éminent guyness, sûrement en maraude, tel l’écureuil sur sa branche, m’asséna une phrase qu’il a sans doute oubliée aujourd’hui, alors que c’est elle qui me taraude encore, des mois après.
«Tu te rends bien compte que si tu mets encore 10 à une bouse tu vas perdre toute crédibilité ?»
Le coup bas. L’agression. Le guyness dans ce qu’il a de plus minable et blessant, lui qui parfois sait être si fin.
Lui, l’écureuil, parlant au loup de crédibilité.
Alors que le loup déchire sa viande à même le sol, de ses canines sur pivot, car c’est un animal, sauvage, insoumis et libre, comme le vent. C’est pas un rat roux qui passe son temps à astiquer son gland. Le loup c’est crédible.
C’est ça qui passait pas en fait.
Bon, si je mets 6, c’est parce que je suis un peu lâche comme loup. Mais ça vaut 10.
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