Un même lieu à travers le temps. Une sorte de grand poteau, qu'on tronçonne, au sommet duquel on pose une nacelle, sur laquelle on construit une cabane, qu'on harnache à l'aide de cordes, peu à peu, à travers les saisons. Et les enfants y viennent, y jouent, travaillent, construisent, améliorent, le délaissent s'il fait trop froid... Les oiseaux en font leur refuge quand tout est enneigé. Et parfois on voit la mer au loin, et les montagnes de l'autre côté du fjord, et parfois pas, l'air est trop épais, chargé de brume, de vent. Le ciel est rouge, jaune, vert, traversé par des oies. Et un jour, il y a un accident.
On dirait un film de James Benning, un peu plus électrique peut-être, plus intime en tout cas. Il semble assez évident que Hlynur Palmason filme ses propres enfants. Il les regarde grandir, sans jamais intervenir. On se demande où se trouve la caméra, depuis où elle regarde... Depuis la maison sans doute. Alors le cinéaste est en train de regarder ses enfants construire une autre maison, partir déjà un peu, s'aventurer dans le monde, faire leur vie. A quoi ça ressemble, "faire la vie" ? A ça, à ces journées à tourner autour d'un poteau, à le rêver, à imaginer ce qu'on pourrait y faire, tout mettre en oeuvre pour y parvenir, échouer parfois, et passer du temps perché sur un rêve en chantier permanent.
On prend toute la mesure de la fragilité des lieux, de ce qu'on vient y déposer, nous, humains, avant de les quitter. Ces abris, ces cabanes, ces constructions qui se font toujours contre (le mauvais temps, l'ennui, l'errance, le regard). Et pour (voir, vivre, appartenir, jouer).
Encore une fois un film fait-maison, comme l'est Godland à mon avis, sans le petit masque de la fiction historique cette fois-ci. Un film qui avance à découvert, tout simplement, et qui confirme l'intérêt que suscite pour moi ce cinéaste.