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Quand on évoque la jeunesse désillusionnée, on pense souvent à Larry Clark. Ni d’Ève ni d’Adam, même s’il fait parfois penser au cinéaste américain, n’est pourtant pas du même fruit : à la mise en scène, Jean-Paul Civeyrac, alors tout juste diplômé de la FEMIS, dont c’est le premier film. Contrairement à Clark, le français n’est pas fasciné par le charisme creux de ces esprits rebelles et délinquants – pour lui, ces personnages servent une morale. Une morale religieuse et sociale, dont les effluves pasoliniennes et bressoniennes ne font aucun doute.
Gilles nous rappelle Mouchette – on le fuit comme la peste. Quasiment illettré, il passe ses journées à voler quelques francs, à fumer et à traîner dans la banlieue de Saint-Etienne avec ses potes. Cependant, une lumière d’espoir, une variable imprévisible : la mignonne Gabrielle, calme et réfléchie, à laquelle il fait la cour depuis des mois. Ils n’ont rien en commun – elle a une mère alcoolique et un père décédé, ses parents à lui sont protecteurs et patients. Elle est réservée, presque sainte-nitouche ; lui ne pense qu’au sexe et au fric.
Ni d’Ève ni d’Adam n’est pourtant pas une relecture de Roméo et Juliette. Il ne s’agit pas ici d’amour impossible, mais d’impossible destiné. Où peut-on aller quand on ne respecte pas son prochain ? Que peut-on faire, quand on n’implore pas pardon ? La figure divine, présente dès le titre du film de Civeyrac, rampe dans l’ombre de ces barres d’HLM. Cela fait-il de Ni d’Ève ni d’Adam un film religieux ? Il n’y a pas de réponse simple, mais on pourrait dire qu’il s’agit avant tout d’un film moral, où la leçon de vie passant avant le bête et simple catéchisme.
Si le film de Civeyrac se perd parfois dans la simplicité quelque peu naïve de son propos, on ne peut nier la finesse de ses émotions. Les personnages vivent dans leurs imperfections, dans leurs irrégularités, et c’est ce qui les rend humains. A défaut d’être attachants, ils ont des traits réalistes qu’on peut aisément cerner. En cela Civeyrac surpasse Clark, ce dernier n’ayant fait que réutiliser la même recette à l'infini gravitant autour d’un anti-héros sexualisé faussement mystérieux.
Une fable intime douce-amère qui se perd parfois dans des effets narratifs un peu grossiers mais qui ne cesse jamais d’émouvoir et de passionner. Civeyrac filme la jeunesse et le déterminisme comportemental comme personne, Ni d’Ève ni d’Adam est une première réalisation convaincante, vibrante et touchante qui se vit bien plus qu’elle ne s’analyse. N’est pas Bresson qui veut, mais la patte d’un nouvel auteur demeure bien présente derrière un mince rideau de muses cinéphiles. Injustement oublié.
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le 15 août 2016
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