Cherchant à se faire de l’argent à travers des petits boulots pas très légaux, Louis Bloom (Jake Gyllenhaal) croise un jour la route d’un reporter indépendant (Bill Paxton) qui filme les faits divers les plus sanglants afin de vendre ses vidéos au journal télévisé par la suite. Louis se lance dans le métier, et son audace lui permet de percer rapidement, malgré la méfiance des forces de police. Mais plus il se fait connaître, plus Louis renverse les barrières de la légalité et de l’éthique à la recherche du scoop le plus juteux…
Parfois, les meilleurs films viennent de là où on s’y attend le moins. Ainsi, de Dan Gilroy, scénariste de films guère marquants (Freejack, Two for the money, Jason Bourne : L’Héritage), on n’attendait pas une œuvre aussi puissante et mature que le brillant Night Call.
Avec son premier film en tant que réalisateur, Gilroy atteint donc sa cible en plein centre, avec un brio que n’aurait pas dénié Billy Wilder. On trouve en effet beaucoup du Gouffre aux chimères dans cette dénonciation virulente d’une presse à sensations où le scoop devient plus important que la vie humaine. Le sang se glace littéralement dans nos veines lorsqu’on voit Louis Bloom, incarné par un stupéfiant Jake Gyllenhaal, se muer petit-à-petit en chef d’orchestre des scènes de crime, se contentant au début de chercher le meilleur angle de caméra pour ensuite trafiquer les scènes de crime en déplaçant d'abord une photographie sur un frigo, puis un cadavre sur une scène d’accident, et finissant par provoquer lui-même les crimes afin d’être le mieux placé pour les filmer. Mais le plus effrayant, c’est de voir que Bloom ne se remet jamais en cause, pas plus que le bien-fondé de ses actes. De simple reporter, il se mue donc peu à peu en démiurge volontaire du crime, n’hésitant pas à plonger dans la plus stricte illégalité, dans le seul but de pouvoir offrir à ses téléspectateurs un spectacle plus grandiose.
Pour décrire cette terrible spirale infernale qui aspire son homme lentement mais sûrement, Dan Gilroy nous propose sans nul doute la meilleure écriture de sa carrière, son scénario machiavélique progressant par petites touches successives, en refusant constamment les grands effets de manches. Cette sobriété se retrouve à tous les échelons du film, de la magnifique photographie de Robert Elswit (Magnolia, Mission Impossible : Protocole Fantôme) à la prestation terrifiante de Jake Gyllenhaal, en passant par une bande originale discrète et efficace signée James Newton Howard.
Dès lors, on ne voit plus trop ce qu’on aurait à redire devant un film qui trouve constamment le ton juste pour nous raconter son récit, sans aucune fioritures, dénué aussi bien de toute violence excessive que de toute vulgarité, et qui s’avère sans aucun doute un des films les plus captivants de ces dernières années.