Night Call de Dan Gilroy est une sacrée expérience, une expérience tout à la fois amusante et terrifiante. Jake Gyllenhaal est effrayant dans le rôle de Lou Bloom et sa performance risque de vous marquer pour longtemps. Il a dû perdre, facile dix kilos, pour ce rôle et il exprime tellement bien la folie rien qu'avec ses yeux. Il est bien aidé aussi par l'écriture de son personnages et par de longs monologues assez brillants.
Lou Bloom (Jake Gyllenhaal) est un voleur à la petite semaine qui, du jour au lendemain, décide de changer de vie. Il devient alors un "nightcrawler", un vidéaste et reporter de terrain qui filme toutes sortes de scènes d'accidents, d'incendies, d'homicides ... dés qu'il y a du sang, il est là pour filmer. Il est à la recherche des scènes de crime les plus morbides, pour les vendre aux plus offrants. Il vit du malheur des autres et très vite il ambitionne de jouer dans sa propre histoire. Sa motivation et son manque apparent d’empathie en font le parfait sociopathe. Il fera équipe avec Nina Romina (Rene Russo) une directrice des programmes impitoyable et prête à tout pour faire monter l'audimat de sa chaîne d'information locale.
Night Call vous quitte avec un léger sentiment de culpabilité d’avoir réellement apprécié ce film, qui se déroule dans un monde sans éthique et sans moral. C’est un exposé effrayant sur l’ambition nue et sans limite d'un personnage, entièrement induite par la cupidité (financière et motivée par l’ego). Lou Bloom n'est pas fou, au contraire il est rationnel et calculateur. Il a un but et il se donne les moyens, tous les moyens, pour y parvenir. Le plus effrayant dans tout ça, ce n'est pas Lou Bloom, c'est le monde dans lequel, lui et nous, vivons.
Au début du film, Lou Bloom nous est présenté comme un solitaire, un vagabond, un voleur, un chômeur et surtout, c'est un personnage à la recherche d'un sens à donner à sa vie. C'est à ce moment là qu'il se lance dans une carrière de vidéaste "Freelance". Il essuie tout d'abord de nombreux échecs, mais très vite il apprend de ses erreurs et devient vraiment très bon dans son domaine (filmer le morbide).
Jake Gyllenhaal rivalise avec Leonardo DiCaprio dans Le Loup de Wall Street, dans ce sens où il incarne un personnage antipathique, dénué d'émotions et totalement amoral. Tout comme Léo, Jake arrive à rendre attachant un personnage qui n'est pas censé susciter la moindre empathie chez le spectateur. Jake Gyllenhaal incarne physiquement ce personnage, ayant une apparence cadavérique (orbites enfoncées, cernes marquées et joues creusées) après son impressionnante perte de poids. Il trouve le ton juste pour jouer son personnage, à la fois creepy et amusant. C’est comme s'il jouait pour rire, mais qu'il était mortellement sérieux.
La conclusion du film pourra en décevoir certains, moi y compris, mais en réalité ça ne pouvait pas se terminer autrement ... aucune rédemption n'est possible pour ce personnage. C'est comme si le mal pouvait triompher à la fin et c'est réellement le cas ici. Le scénariste / réalisateur Dan Gilroy comprend quelles sont les limites de la peur et de la comédie. Il trouve le ton juste et un certain équilibre entre les deux. Ainsi, la scène la plus terrifiante est transformée en rire, par le choix des cadres et du rythme de la mise en scène.
Night Call c'est un film très original sur la forme comme sur le fond, c'est un sorte de thriller d’horreur avec une pointe de comédie. C'est parfois drôle, mais c'est toujours terrifiant (7.5/10).