Satire politique + cinéma contemporain = grand film!
(...) Night Call de Dan Gilroy, ou Nightcrawler de son titre original qui est beaucoup plus pertinent mais peut-être trop éloigné de notre culture télévisuelle pour être accrocheur. Le film dont le nom a été changé par les distributeurs est vendu comme surfant sur la vague Drive/Kavinsky ( il est marqué ‘Par les producteurs de Drive’ sur l’affiche ) même si il est à mille lieux du métrage de Refn et beaucoup plus proche d’À Tombeau Ouvert de Scorsese ou même de Cosmopolis de Cronenberg. Mais bon, qui peut leur en vouloir de mentir à leur audience ? Si je dois tirer du positif de ce mensonge promotionnel, c’est que sans cette analogie, Night Call ferait sûrement un flop au box-office français. Non pas parce que c’est un mauvais film, au contraire même, mais parce qu’il est plus proche de la satire politique que du film d’ambiance électronisant de Drive. Dans le film, on assiste à la transformation de l’excellent Jake Gyllenhaal qui joue Lou, un voleur à la petite semaine reconverti en un chasseur d’images-chocs qu’il vend aux télévisions locales. Plein d’ambition et hyper intelligent, le personnage crée par Gilroy, voit sa chasse d’images se transformer petit à petit en une véritable obsession. Le jeu magnétique de Gyllenhaal vampirise complètement l’image jusqu’à ce qu’on ne puisse plus décoller les yeux de l’écran. Avec une mise en scène impeccable du début à la fin, et comportant quelques plans inoubliables par leur force évocatrice ( je pense à ce face à face avec René Russo dans la salle de montage ), le film sait faire monter la tension ( dont une séquence de mise en abîme magistrale dans laquelle on assiste à la réalisation en direct d’un flash info à la télé locale ) jusqu’à la poursuite finale qui marque la fin de la transformation de Lou en devenant la métaphore d’un vampire capitaliste se nourrissant, à travers l’image, du sang de ses victimes pour devenir de plus en plus fort, ou de plus en plus riche. Les dialogues absolument merveilleux sont une des forces du film car durant toute la durée du métrage, environ deux heures, Lou, sociopathe averti brille par la richesse des conversations qu’il entretient la plupart du temps seul avec les autres, entre sarcasme, ironie, manipulation et sadisme. Moralement dérangeant, le film n’est jamais complaisant dans son propos et ne décide jamais de prendre parti contre Lou, le laissant agir finalement comme bon lui semble, au milieu de ces nuits sans fin, semées d’embuches facilement évité, et en étant guidés que par l’appel de l’image. Comme il le dit très bien au début dans une phrase qui à elle seule renferme le concept du film: « If you want to win the lottery, you have to make the money to buy a ticket » ! L’argent appelle l’argent, la violence appelle la violence et l’image appelle l’image ! Le film partage ainsi une vision, certes pas forcément unique, mais néanmoins pertinente sur la manière dont le capitalisme sauvage fonctionne dans nos sociétés sur-consommatrices d’images.