J'apprécie énormément Jake Gyllenhaal. Outre son physique avantageux, c'est un acteur remarquable connu pour jouer avec brio des personnages torturés comme dans Enemy de Denis Villeneuve.
Alors, quand je constate qu'il est à l'affiche de Night Call, produit par les producteurs de Drive (l'un de mes films préférés), je fonce.
D'entrée de jeu, le film s'ouvre sur la ville de Los Angeles dans laquelle évolue Lou Bloom, un personnage solitaire aux allures de bad boy qui erre la nuit à la recherche de métal qu'il cherche à vendre et négocier, sans réel succès.
Outre ces petits délits, il semble avoir une vie aussi bien rangée que son appartement à la décoration impersonnelle et au mobilier austère. On comprend d'emblée que son studio est seulement un lieu de passage et qu'il passe le plus clair de son temps en extérieur. Lorsqu'il se tapit chez lui, rideaux tirés et lumières éteintes, Lou s'occupe en regardant des documentaires animaliers (sur les loups notamment), en faisant du repassage ou en arrosant ses plantes.
Il n'a pas l'air d'avoir d'ambition professionnelle jusqu'au jour (jusqu'à la nuit devrais-je dire) où, par curiosité, il s'arrête devant un accident de voiture et fait la rencontre d'un pigiste indépendant filmant la scène.
Fasciné par ce métier et par les revenus, dès le lendemain, caméra à la main et radio sur écoute, Lou se lance à bras le corps dans cette impitoyable profession. Franchissant toutes les limites, il va rapidement se transformer en homme d'affaire sans scrupule prêt à tout pour avoir l'exclusivité et vendre ses images chocs à prix d'or.
Lou ne semble avoir aucune limite : gros plan sur les visages ensanglantés, intrusion dans l'intimité des victimes et modification des scènes de crime pour mettre en lumière les cadavres, etc.
Manipulateur, maitre chanteur et criminel, il endosse toutes les casquettes pour parvenir à ses fins et briller aux yeux des médias. Mais à quel prix ? Sa soif de sensations fortes, d'exclusivité et de reconnaissance prend rapidement le pas sur l'éthique et la morale.
C'est d'ailleurs à se demander qui est le plus inhumain entre les criminels qui tuent une famille entière pour une histoire de drogue et Lou qui observe la scène sans intervenir, filme les victimes agonisantes et cache les preuves pour espérer avoir d'autres scoops à se mettre sous la dent.
Et cette inhumanité ne s'arrête pas là. Lou est un véritable prédateur. Tel un loup, il sort de sa tanière quasi systématiquement de nuit. On remarquera d'ailleurs que le film s'ouvre et se ferme sur la ville éclairée par la pleine lune. Et quand il s'expose à la lumière du jour, c'est toujours munit de ses lunettes de soleil. Lou serait-il un lycanthrope ?
Pour en revenir au métier de pigiste, c'est une profession qui m'a toujours questionné. Quelles limites s'impose t-il, s'il y en a ? Les images sont-elles véritablement le reflet de la réalité ou sont-elles retouchées pour les rendre plus choquantes ? Et nous, téléspectateurs, que recherchons-nous dans le visionnage de ces images ? Sommes-nous des êtres malsains qui prennent "plaisir" à regarder la souffrance et la douleur des victimes ? Et dans quel but ? Se persuader que c'est réel, se rendre compte de la chance que nous avons ?
Dans l'ensemble, Night Call est un très bon film. Malsain et dérangeant comme je les aime. Seul bémol pour la bande originale qui aurait mérité d'être plus marquante, à l'image de celle de Drive.