Le titre français, un peu imbécile mais plutôt stratégique en termes d'entrées, induit une comparaison avec Drive qui dessert de prime abord Night Call. On a beau tenté de ne pas penser au film de NWR, il est en effet impossible de ne pas jouer au jeu des 7 différences. Et pourtant, les deux films ont si peu en commun : certes, ils investissent un même genre (thriller de série B), se situent dans une même ville, et reposent pour beaucoup sur la prestation d'un acteur électrisant. Mais c'est à peu près tout!
Drive travaillait les motifs de la romance, certes compliquée par une violence latente et finalement incontrôlable, par l'échec et par la compulsion de répétition. Night Call se révèle une satire parfois brillante mais pas nouvelle des médias. Plus globalement, il s'agit d'un miroir tendu à notre société contemporaine où le voyeurisme et le cynisme sont devenus des normes, et dont la violence apparaît comme une donnée finalement banale et tolérée. Drive se situe du côté de la déconstruction d'un personnage et Night Call, à l'inverse, illustre l'ascension, certes pathologique et effrayante, de son (anti-)héros.
Pour conclure sur cette analogie un peu forcée avec Drive, le point commun le plus évident est qu'il s'agit tous deux de films de mise en scène. Là où NWR choisissait une extrême stylisation des différents éléments du film (personnage masculin, éclairage, musique), Dan Gilroy construit sa mise en scène à partir du cadre. Les vidéos, les écrans de télévision et de contrôle lui permettent de sur-cadrer ses plans, souvent avec beaucoup d'à-propos et d'efficacité. L'écran s'en trouve ainsi souvent partagé, coupé : la figure du split-screen est ici utilisée de façon discrète mais assurée et pertinente (isolement de l'individu au sein d'un ensemble). La scène du restaurant de la fin du film est à ce titre exemplaire de subtilité, de précision et d'efficacité visuelle. Tout comme l'est la rencontre spéculaire du face à face entre le tueur et Jake Gyllenhaal.
Ce dernier est exceptionnel (oscar en vue?) et, grâce à un jeu qui ne tombe jamais dans l'outrance ou l'excès, rend tangible la psychose de son personnage. Rarement la dissociation psychique aura été si bien rendue et illustrée au cinéma. Dans une brève séquence où Gilroy le filme devant sa télévision, il faut voir le rire de Gyllenhaal et son regard caméra tout simplement glaçant, particulièrement pour tout spectateur ayant approché des patients psychotiques. Ce qui est très judicieux dans le scénario, même si c'est au prix d'une articulation parfois peu crédible, c'est la façon dont le cynisme généralisé et la perversion à la fois individuelle et sociétale vont permettre de contenir cette psychose, de la faire tenir. Ce grand psychotique trouve finalement sa place dans la société, il y est adapté.
Là où Night Call marque le pas, c'est sur la question du rythme, qui n'est pas toujours maîtrisé. Gilroy semble avoir voulu illustrer l'ennui ressenti par ses personnages à travers ces longues nuits d'attente et d'errance à la recherche du scoop. Mais, la répétition dessert parfois le film qui achoppe sur sa représentation du vide, c'est à dire du "rien à filmer". De même, malgré une superbe photographie qui fait merveille sur les vues nocturnes de L.A., il manque "un petit quelque chose" assez indéfinissable au niveau de l'ambiance pour compenser ces trous d'air dans le récit.
Si Night Call n'est certainement pas un grand film, il n'en demeure pas moins de la belle ouvrage : intelligent et efficace, saisissant et même parfois très beau.
Adam_Kesher
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le 13 déc. 2014

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Adam_Kesher

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