Je ne regarde pas souvent la télévision. En effet, peu d’émissions m'intéresse, et si je veux regarder un film, le voir en blu-ray ou en version 1080p téléchargé sera toujours plus confortable à mon goût. La qualité d'image flatte ma rétine et mon ego, et j'aurais toujours la possibilité de le regarder en VOSTFR. De plus, pas de publicité en plein milieu, je regarde à l'heure que je veux et si censure il y a lors du passage télévisé, moi j'aurais la version originale complète. Du coup, comme je le dis au début de ce paragraphe d'introduction sans doute déjà trop long, je ne regarde pas souvent la télévision.
Mais là, étant en vacances et pas chez moi, cette dernière se retrouvait allumée hier soir. Sur le journal de France 2 (je précise par ce que je suis sûr que ça t'intéresse). Et là, on m'annonce que dans 5 minutes, Mad Max Fury Road va commencer sur cette même chaîne. Aillant, comme beaucoup, adoré cet opus, l'envie d'admirer des V8 pendant 2h me submerge. En plus, vu que c'est sur France 2, pas de pub qui te charcute ton film et ton plaisir de visionnage au passage. Je m’attelle donc au visionnage du film, en m'installant dans le canapé et en activant la VOSTFR. Le film est toujours aussi bon et jouissif, je passe une très bonne soirée.
Et là, on m'annonce de nouveau quelque chose de cool : la soirée continue avec Night Call ("et bien c'est pas trop tôt, il parle enfin du film, ça fait juste 2h que sa critique à commencée" - oui et bien je fais ce que je veux). Ce film m'avait fait les yeux doux à sa sortie, mais je n'avais pas réussi à le voir au cinéma. Il s'agissait donc d'une conquête de choix pour ma collection.
Je reste donc le cul bien vissé dans le canapé, et je me prépare à voir le film, en aillant au passage complètement oublié le synopsis. "Je crois que ça parle d'un photographe", ai-je approximé (oui, je l'utilise en verbe, je trouve que ça marche bien) à mon frère. Pas loin, Augustin.
En fait, Night Call raconte l'histoire de Louis Bloom, un petit délinquant, qui découvre le métier de ses rêves : Paparazzi de faits divers. En fait, il va parcourir Los Angeles en voiture, de nuit, muni d'une caméra et d'un appareil permettant d’intercepter les communications de la police. Il est aidé par un stagiaire (d'au moins 25 ans) qu'il a décidé d'engager pour l'aider à se repérer en ville pendant qu'il conduit.
Il va donc se rendre sur les lieux de crimes ou d'accidents le plus rapidement possible et va tenter de prendre les images les plus spectaculaires, dans le but de les vendre à une chaîne de télévision locale.
Comment cette chaîne de télévision va utiliser ces images selon-vous :
- faire de la prévention et informer les habitants des bons gestes à avoir
- faire de l'audimat en exploitant le côté gore et réaliste des images parce qu'en effet, si le téléspectateur a peur pour sa vie, il va rester scotché à son écran plus longtemps
Je vous l'accorde, c'est pas facile à trouver. Mais je vous fait confiance, vous êtes de petits malins je l'ai tout de suite vu.
Et là, vous vous dites sûrement que quand Louis va apprendre comment la chaîne de télévision utilise ses images, il va tout faire pour changer le système médiatique du pays, se battant sans relâche tant que justice et vérité ne seront pas de retour sur les plateaux de télévision.
Et bien pas tout à fait. En fait, c'est même pas du tout ça. Car Louis Bloom est un héros particulier : il est parfaitement au courant de l'utilisation que la chaîne fait de ses images, et il en est même très fier. Il est très doué dans ce domaine, où il ne tarderas pas à se faire un nom (comme il nous le répète souvent, il apprend très rapidement). Son succès s'expliquer par le fait qu'il sait aller plus loin que les autres "paparazzis de faits divers" pour ramener des images toujours plus saisissantes.
Il n'hésite pas aller mettre sa caméra dans la gueule de victimes en train d'agoniser ou à s'introduire par effraction dans leur maison pour prendre des images. Il va carrément déplacer un corps d'un accident de voiture, histoire d'avoir un meilleur éclairage et un cadre plus photogénique. Un héro très charismatique et tout à fait sympathique donc.
Mais une affaire va définitivement faire décoller sa carrière de crevard : il va arriver sur une scène de cambriolage avec multiples meurtres AVANT la police, alors que les criminels sont encore sur place (pour la suite de ma critique, j'ai cherché sur internet des synonymes de "criminel", histoire de l'étoffer un peu, sinon il y avais criminels 5 ou 6 fois c'était pas terrible). Il va tout filmer, la fuite des malandrins et la découverte des corps encore chauds. Il va réussir à capturer tout cela et partir avant que la police n'arrive sur place.
Il vend donc son document choc à la chaîne de télévision habituelle, contre un beau paquet de pognon et la garantie que le nom de sa boite ("Video Production News") soit citée à chaque fois qu'un de ses reportage est montré. Il vend tout, sauf la partie où l'on voit la fuite des malfaiteurs.
Car il est malin, il a un plan pour se faire encore plus de pognon et asseoir définitivement son nom comme étant le meilleur rapporteur d'image de LA : Il va tout d'abord retrouver ces margoulins grâce au numéro de la plaque de leur véhicule. Ensuite, il va les suivre et attendre qu'ils aillent dans un endroit peuplé (un restaurant en l’occurrence). Il va alors appeler la police et se préparer à filmer l'arrestation avec son stagiaire / associé, en espérant qu'elle soit sanglante (si il y a des victimes du côté des flics, des passants et des scélérats, c'est tant mieux).
Et l'arrestation ne le déçoit pas : des coups de feux, une course poursuite, des accidents, du sang, des morts. Il va même aller encore plus loin, et va piéger son stagiaire, qui le menaçait de tout dévoiler à la police, et va le faire tuer à la suite d'une course poursuite.
Les images qu'il tourne (y compris les images de son associé en train d'agoniser) à ce moment là vont se vendre très cher et assurer de bonnes audiences pour la chaîne. Sauf que les flics ont de gros soupçons sur Louis Bloom, car ils sont convaincus qu'il a manipulé tout le monde pour avoir dans images exceptionnelles, ce qui est totalement le cas.
Et donc le film se termine en happy end, classique à Hollywood : Louis Bloom n'est pas du tout inquiété par la justice, et son entreprise est plus florissante que jamais. Il s'est acheté deux vans et à embauché des gens pour l'aider à couvrir plus de terrains. Ah oui, j'avais pas prévenu : c'est un happy end pour le personnage principal, car en effet à la fin il a tout ce qu'il voulait depuis le départ. Par contre, vu que le personnage principal est détestable et flippant à souhait, pour nous c'est pas vraiment un happy end : c'est l'avidité, la froideur et le dur cynisme journalistique qui a gagné.
Et je suis très content que le film se termine comme cela. Car nous avons devant nous un film véritablement différent. Le personnage principal est parfaitement abject et ne le cache pas le moins du monde. Il est d'ailleurs souvent odieux (mais très direct) envers son stagiaire. On nous montre des horreurs pendant près de 2h qui paraissent totalement normales aux principaux personnages (Louis et la directrice des reportages à la chaîne où il vend ses images). Pire : il est récompensé grâce au fait qu'il a été une véritable ordure sans race.
Le film ne nous met pas une morale toute faite et présentée comme on en a l'habitude : la morale, c'est chacun de nous qui va se la faire. Le film ne puni pas le personnage principal, car le spectateur n'en a absolument pas besoin. Il comprend de lui-même que le personnage principal est une ordure. Il se rend bien compte que les choix de la chaîne son immorales au possible. Et c'est pour ça que j'ai beaucoup aimé ce film, il ne prend pas ses spectateurs pour des cons.
Et évidemment cela nous amène à nous poser des questions directement sur notre système médiatique à nous, dans le vrai monde de la réalité véritable. Parce qu'il est pas bien éloigné de ce qu'on nous montre ici. Il est tout aussi cynique et immoral. Et avoir regardé ce film sur une chaîne de télévision, a ajouté une petite saveur d'ironie qui est venue embellir ce plat déjà très savoureux (ça sonne assez ampoulé là c'est bon ?).