Moi qui garde depuis mes années à Nice une affiche de Niki, pistolet en main, accrochée au mur, je pensais bien connaître la vie de cette artiste. C’est pour cela que le premier film de Céline Sallette ne me déçoit pas : il capture tout simplement le mystère fascinant de la vie de cette femme franco-américaine.
Le montage fluide du film nous emporte d’une scène à l’autre, souvent comme une flèche en plein cœur. Les séquences, baignées par le soleil éclatant de la campagne et les cris intenses des oiseaux, évoquent l’esprit de l’artiste sans jamais montrer ses œuvres, bien que le film soit, en quelque sorte, un biopic. Les corps de poupées et les avions en plastique rappellent à la fois les formes emblématiques que l’on devrait reconnaître, mais sont ici plongés dans des luttes entre adultes, des enfants agités, et un enfant calme, protecteur de ses parents. La folie, la peur des « squelettes dans nos placards » et des monstres sous nos lits sont abordées avec force. Le personnage principal n’est pas simplement étiqueté « bipolaire » – diagnostic souvent apposé aux talents excentriques – mais révèle comment certains « professionnels » nourrissent depuis bien longtemps un cycle vicieux de diagnostics. Le film explore subtilement cette idée d’une enfant qui persiste dans le corps d’une adulte, un regard sur la place et les combats d’une femme, qu’elle soit mariée à un partenaire « accompli » ou « coureur », ou encore une artiste affirmée par elle-même.
Le film est réalisé avec finesse, les acteurs incarnant bien leurs rôles, insufflant aux scènes une intensité poignante et chargée de signification. Pour moi, Niki n’est pas un simple biopic, mais le regard d’une femme observant une artiste en pleine contemplation de la vie et de l’art. Bravo également pour le script en anglais et en français, et pour ces superbes scènes de lettres et d’appels téléphoniques enflammés . Qu’on tire les étoiles !