Nikita: Modèle du thriller d’action au féminin

Besson a retenu les leçons du Grand Bleu : les professionnels du cinéma ne veulent pas d’un film « naïf » et long où il ne se passe « rien ». Alors, il prévient que son prochain film sera urbain, noir et violent.


Cette annonce se vérifie dès l’apparition de son titre en lettres rouge : NIKITA. Cette violence est l’expression du ressentiment de Besson afin d’exorciser sa colère sur les retours très négatifs exprimés sur son précèdent long métrage. La référence subtile se trouve dans le travelling d’ouverture, où la chaussée humide ressemble à l’étendue d’un océan qu’on survole avant la mise au point se terminant sur les marginaux, prêts à en découdre avec la société.


Ici, le montage est plus sec, avec beaucoup d’ellipses, tout en alignant des scènes d’action et d’émotions, dignes de la nouvelle vague des films d’action asiatiques des années 80, notamment ceux de John Woo.


Véritable bombe au moment de sa sortie en salles, en tant que première héroïne française d’un thriller d’action moderne, joué par la jeune Anne Parillaud. A l’époque, c’était la femme du réalisateur.


Son physique filiforme contraste fortement avec les héros bodybuildés (Schwarzy, Stallone…) ou ceux ayant des aptitudes reconnues pour les arts martiaux (Chuck Norris , Cynthia Rothrock, Michelle Yeoh…) dans les années 80. Cette particularité joue certainement dans le fait que sa prestation explosive, révoltée, et parfois hystérique, lui permit de gagner l’unique césar du film : celui de la meilleure actrice.


Comme la plupart des personnages principaux des films de Besson, "Joséphine" refuse de se soumettre à la moindre autorité (ici, masculine) et aspire à la liberté absolue, dénuée d’entraves physiques ou psychologiques. La plupart des hommes qu’elle rencontre vont le découvrir à leur dépens. De Tcheky Karyo, son mentor charismatique, au personnage romantique, joué par Jean Hugues Anglade (déjà vu dans Subway), lui permettant de s’évader temporairement entre deux missions. D’autres vont être ses souffre-douleurs comme le spécialiste de l’informatique caricatural (le gag de la souris !).


J’ai adoré la prestation très courte de Jeanne Moreau, en tant que professeure de bonnes manières, permettant à Nikita de redécouvrir sa féminité et de l’utiliser à bon escient.


L'acteur fétiche de Luc devant la caméra, Jean Reno, devient Victor le nettoyeur. Il nous donne déjà un aperçu du personnage allant devenir Léon, 4 ans plus tard. Son interprétation est efficace et presque sans bavures,si je peux me permettre !


Jean Bouise, très affaibli à l’écran, nous gratifie de son ultime apparition dans le 7ème art. Il obtint même un hommage légitime dès le début du générique de fin. Qu’il repose en paix. Sa présence et son aide ont été déterminantes dans les débuts de la carrière du metteur en scène.


Bien qu’étant son directeur de la photographie depuis son premier long, Carlo Varini est remplacé,ici, par Thierry Arbogast débutant une collaboration perdurant encore aujourd’hui. Ainsi, il deviendra aussi indissociable, à ce moment là, que le compositeur d’Eric Serra dans la filmographie de Besson contribuant à la particularité de son style cinématographique.


Avec Nikita, le metteur en scène inaugure sa filmographie consacrée au portrait d’une femme dont le prénom figure dans le titre représentant quasiment 40% de son œuvre. (cf. ma liste présentant cette particularité bessonnienne). Il fait partie de ces réalisateurs français contemporains mettant bien en valeur les rôles principaux proposés à ces actrices ainsi que leur personnage sur l’affiche.


J’apprécie ce film parce qu’il constitue encore à ce jour un modèle du film du thriller d’action au féminin, en cassant les codes habituels (être fragile ne veut pas dire faible, inversion des rôles féminins et masculins dans la caractérisation des personnages), tout en proposant d’honnêtes scènes d’action, à travers le monde, tout en restant une production française.


Etant une réussite au box-office (plus de 3,5 millions de tickets vendus), ce long-métrage aura droit à son remake (Nom de Code : Nina), 3 ans plus tard avec les traits de Bridget Fonda dans le rôle principal. Fait encore plus marquant pour l’époque : deux séries inspirées de cet univers sortiront en 1997, La femme Nikita avec la blonde Peta Wilson, et en 2010, la série homonyme avec Maggie Q (la plus intéressante pour moi), remportant chacune un franc succès.


Aujourd’hui, son impact est encore très présent quand on voit le nombre de films d’action avec des actrices dans le rôle principal. Parmi les plus récents, je peux citer Peppermint, Atomic Blonde, Red Sparrow…Sans oublier, son reboot sorti cette année (Anna) où l’influence russe ressort beaucoup plus que dans ce long métrage.


Du dernier combat jusqu’à Nikita, il a réussi à imposer une alternative au cinéma français plus traditionnel, en proposant des œuvres modernes, tout en imposant son style dans les différents genres abordés, en moins de 10 ans. Belle performance ! De plus, il obtint une certaine reconnaissance artistique en raflant un tas de récompenses (6 césars sur 23 nominations, un prix spécial du jury et de la critique au festival International d’Avoriaz 1983) en seulement 4 films, malgré les mauvais retours de certains professionnels ou critiques.


Au début des années 90,il a suffisamment de confiance pour partir à l’assaut du public américain avec ses prochaines péloches, après sa pause documentaire avec Atlantis. A suivre.

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le 9 oct. 2019

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Hawk

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