Ninja Scroll appartient à cette catégorie de films d'animation japonais plus adultes, qui ont connu un essor au début / milieu des années 90, avec Akira et Ghost in the Shell. Ninja Scroll a aidé à définir un nouveau agenda pour l'animation japonaise, comme une forme d’art plus mature et abordant des thèmes très adultes ... ou tout du moins, avec beaucoup plus de nudité, de sexe et de violence.
J’ai regardé Ghost in the Shell de nombreuses fois plus jeune et si le spectacle visuel et sonore est grandiose, son propos philosophique m'a toujours semblé pompeux. Quant à Akira, je ne l'ai découvert que sur le très tard, j'en retiens qu'il y a une moto rouge et une explosion nucléaire, pour le reste c'est un peu flou dans ma tête. Ninja Scroll lui ne souffre pas de ce mal, il va à l'essentiel.
Se déroulant à l’époque des samouraïs et des ninjas, les habitants d'un village local sont apparemment touchés par la peste. Le chancelier local envoie ses meilleurs hommes et une femme Kagero, tous des ninjas, pour enquêter. Le leader des ninjas est amoureux de Kagero, mais celle-ci ne semble pas intéressée (on comprendra plus tard pourquoi). Dans les bois, ils rencontrent, ce qui semble être, un très grand golem de pierre. Il les massacre tous, arrachant littéralement les bras du chef ninja et buvant toujours littéralement le sang qui coule de son corps mutilé. Il épargne Kagero, mais seulement pour la violer après, puis la tuer ... ou peut-être la tuer, puis la violer (ça ne semble pas avoir beaucoup d’importance pour lui). Elle sera néanmoins sauvée par l'arrivée inattendue de Jubei, un ninja solitaire et semble-t-il venant d'une autre contrée.
Réalisé par Yoshiaki Kawajiri (Vampire Hunter D - Bloodlust, c'est de lui aussi), Ninja Scroll est un film d'animation qui s'adresse à un public averti, car extrêmement violent et érotique, voire même gore et pornographique. La violence est ici frénétique, avec des gerbes de sang qui coulent de partout ... ça coule comme si le robinet était grand ouvert (littéralement). Les scènes de sexe sont plus suggérées que réellement montrées, mais elles sont malgré tout suffisamment "malaisantes", pour montrer la brutalité des rapports entre l'homme et la femme durant cette période des samouraïs et des ninjas. Mais le film n'oublie pas d'ajouter un peu de tendresse dans ce monde très sombre, symbolisé par la relation amoureuse entre Jubei et Kagero.
Les nombreux démons que devront affronter nos deux protagonistes Jubei et Kagero, accompagnés d'un vieux sage (en réalité pas si sage que ça), sont parfaitement identifié et tous uniques. Nous avons par exemple le démon bossu, construit sur la roche et dont la bosse est un nid de guêpes ou une femme serpent, qui peut réellement changer de peau. Le film explore un vrai fond mythologique et s'amuse de ça pour définir ses méchants. L’histoire semble n'être qu'un prétexte pour mettre en place un système de "boss level" et c’est vraiment le cas. Il y a huit démons qu'il va falloir affronter et éliminer un à un, avant d'accéder au "boss final". Le scénario est simpliste au possible, mais il laisse malgré tout le temps (entre deux confrontations) pour définir les enjeux du récit et développer la personnalité de nos deux héros. Jubei est tout de suite défini comme un anti-héros à la cool. C'est en quelque sorte la version ninja, plus traditionnelle, de Spike Spiegel (Cowboy Bebop). Kagero quant à elle, est une femme forte, séduisante et au destin tragique. Elle est victime d'une malédiction, qui est étroitement liée au destin de Jubei ...
Assez tôt dans le film, Jubei est empoisonné par le vieux sage et doit donc trouver un remède sous peine de mourir dans les prochaines 24 heures. Or ce remède, c'est Kagero qui le possède en elle-même. Tout son corps est empoisonné, ce qui en fait une arme redoutable contre ses ennemis qui ont tendance à vouloir coucher avec elle, mais ce qui l’empêche également d’entretenir des relations amoureuses. Or il s'avère que ce poison qu'elle possède en elle même, se révèle être le remède (un antipoison) pour Jubei.
L’animation fourmille de détails, c'est très dynamique et ça bouge de partout. Cette réalisation frénétique de Yoshiaki Kawajiri tranche avec les standards de l'époque. La partition musicale est quant à elle très mystique, ce qui renforce l'aspect sombre et brutal du film. L'image plus moderne et le son plus traditionnel, se marient étonnement bien ici. Yoshiaki Kawajiri semble avoir eu les coudées franches (libre de toute censure) pour faire son film, pour proposer ainsi une animation innovante et mature qui fonctionne vraiment bien ici.
Ninja Scroll gère plutôt bien l'histoire d’amour tragique au sein de son récit. De plus il distille une petite touche d’humour bien sentie, au milieu de tout ce chaos. Ninja Scroll c'est tout ça, mais c'est aussi et surtout 1h30 d'action ininterrompue, versant volontiers dans l'horreur, le gore et le sexe. C'est donc un film que je recommande surtout pour un public averti et fan du genre. Pour les nouveaux arrivants, je vous préviens tout de suite, les vingt premières minutes du film vont être un peu rudes à encaisser. Mais si vous passez ce cap des vingt premières minutes, vous devriez apprécier l'expérience ...