" Rechercher ce qui n'existe pas, c'est irréel ..."

Les enfants surgissent des valises, la mère surgit dans la nuit, maquillée, pour laisser le soin à son aîné de 12 ans de s'occuper de ses deux soeurs et de son frère un peu bruyant. Tout est jeu au départ, les enfants ne doivent pas faire de bruit, ne pas sortir, ne pas montrer qu'ils existent en fait. Cette hallucination d'une mère qui cache ses enfants est d'abord présentée comme un jeu donc.

Mais, très vite, la joie bascule en installant un quotidien répétitif (la maison, le petit piano rouge, la rue, l'escalier, le magasin) que le réalisateur insère dans une lenteur assumée parfois pesante mais qui contribue à faire de ce film une expérience totale, à part. Un film avec quatre personnages qui se déroule sur quatre saisons, au rythme des saisons, on a parfois l'impression qu'il dure depuis 4 heures mais quelque chose nous retient avidement devant l'écran sans qu'on en puisse bouger. Une sorte d'angoisse avide, l'impression qu'il va toujours se passer quelque chose, que ça va bouger mais non les enfants se heurtent à la réalité : l'indifférence : ils n'existent pas, personne ne les cherche et donc ils sont seuls mais unis face à l'abandon de leur mère.

Au début, ils réussissent à continuer la routine dans laquelle ils s'installent, sans cri, sans chamaillerie, sans hurlements incessants. Le silence, le peu de dialogues et l'insistance sur la répétition des gestes des enfants amènent une poésie ennivrante, presque une transe. Jamais on ne se trouve face à ce que l'on attendrait, à savoir une marmaille hurlante et morveuse reclue dans un appartement qui finie par être sauvée par les services sociaux (ou au moins par les voisins, un peu incrédules "c'est des cousines" fera l'affaire), ça n'arrivera pas dans ce film, c'est autre chose qui se trame, quelque chose de plus silencieux, inévitable presque insoutenable.

Le plus grand, protecteur attirtré malgré lui de toute la famille, tente de tenir le coup mais il dérive, lui aussi, vers les joies de l'enfance, il rencontre des amis, s'amuse et oublie ses responsabilités sans même s'en rendre compte, sans se révolter comme s'il acceptait chaque jour qui se lève comme nouveau sans se demander ce qui va arriver. Et on le voit bien tout au long du film, on ne se doute jamais de ce qui va arriver la seconde d'après, même du pire, merveilleusement filmé. Il y a très peu de dialogues dans ce film, le silence fait place mais chaque moment est sublimé et quand le dialogue apparaît il est simplement efficace : quand les enfants reçoivent de l'argent de leur mère et annoncent leur rêve, on comprend bien là que ce ne sont que des enfants.

Un film ôté de tout pathos, enivrant et grandiose, étouffant surtout qui ne donne pas de solution, ne dénonce pas et se contente de montrer, avec brio, une réalité inquiétante mais presque teintée d'irréel, comme un mauvais rêve où les enfants seraient emmurés. Il y a surtout de beaux passages oniriques, à l'image de cette promenade pour aller chercher leur mère qu'entreprennent Yuki et Akira. La petite Yuki et ses pastels mais surtout la petite Yuki et ses chaussures qui font du bruit quand elle marche. Sa petite figure d'ange et la force de son histoire, de son lien avec ses frères et soeurs dans cet univers onirique mais presque cauchemardesque (parce que cyclique) m'ont laissé sans voix et me hantent encore.

C'est une expérience de cinéma rare mais précieuse, incomparable, enivrante et totale voilà ce que j'appelle un grand film.

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le 6 mars 2012

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eloch

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