Film ayant établi la réputation de Kore-Eda, "Nobody Knows" m'a toujours fait un peu peur, tant par son sujet (une fratrie abandonnée par une mère inconsciente, et devant survivre livrée à elle même) que par sa durée (2h20). J'avais bien entendu tort, même si la dureté du thème du film, relayée par une interprétation exceptionnelle de la part des enfants, fait que "Nobody knows" se visionne dans la douleur, et marque durablement la mémoire...
Tort parce que le talent de metteur en scène de Kore-Eda est absolument époustouflant du premier au dernier plan du film : la narration, d'une grande légèreté, évite tous les poncifs larmoyants qui paraissaient pourtant inévitables ; mieux encore, Kore-Eda sait dépouiller son film de toute scène lourdement explicative, sans que ni la crédibilité de l'histoire, ni la compréhension du spectateur n'en souffrent jamais.
Effleurant avec grâce et pudeur les éléments les plus choquants, voire terribles, de son sujet, Kore-Eda nous livre un portrait gracieux, rêveur, et même lumineux d'une enfance, certes en grande souffrance, mais qui quelque part n'est jamais vaincue par l'horreur. Même désespérément douloureux, "Nobody Knows" reste ainsi un chant furieusement optimiste en l'honneur de l'enfance.
Avec ce chef d'oeuvre majeur du cinéma nippon, Kore-Eda s'imposait déjà comme un merveilleux peintre d'une humanité - avant tout centrée sur la famille - qui n'en finira donc jamais de nous étonner.
[Critique écrite en 2013]