Nobody knows, c’est l’histoire de 4 bambins nés sous une mauvaise étoile, celle de la malchance, qui doivent faire face à l’abandon de la mère, seul garant de leur éducation et de leur sécurité. 4 bambins perdus, jetés trop jeunes dans la fosse aux lions, devant combattre malgré leur jeune âge et leur manque d’expérience des forces qui les dépassent et auxquelles ils ne peuvent que se plier dans une totale incompréhension.

L’incompréhension est bien au cœur de l’œuvre de Kore-eda, on touche sans aucun doute au thème central. L’idée qu’un enfant subisse un sérieux revers de la vie sans pouvoir en expliquer ni la raison, ni l’origine, et s’y soumettre sans même chercher à interroger sa propre condition.
Cette incompréhension se manifeste dés le début, l'on comprends très vite que l'amour que porte une mère à l'égard de ses gosses ne peut palier au dénuement. Durant la première heure du film, les enfants ne subissent aucun effet néfaste extérieur et ne ressentent que peu la misère sociale qui plane au dessus d’eux. Ils sont confinés dans une bulle, un microcosme dans lequel seul leur imaginaire et leurs connaissances résistent. En étant durant la quasi totalité du film jamais au contact du grand ailleurs (sauf pour l'un d'entre eux, désormais chef de famille contre son gré), ils ne subissent jamais le regard des autres et ne se confrontent, de ce fait, pas aux représentations qui pourraient les renvoyer à leur propre réalité. Leur éveil affectif et leur développement intellectuel sont d’une certaine manière brimés par l’interdiction stricte de dépasser les murs du logement, cadre propice au maintien de l’ignorance et donc à leur bonheur.

C'est à ce moment là que les thèmes de l'absence et de l'enfance sont abordés, avec toute la justesse et la subtilité que requiert une oeuvre naturaliste ou jamais le propos ne doit flancher sous la tentation misérabiliste et les tentatives d'explication hâtives et hasardeuses. L’appartement devient une aire d’expression, un jardin mal entretenu mais fertile dans lequel se cultive l'épanouissement des 4 bambins. Les factures d’électricité deviennent la proie des gribouillages informes, les espaces vides du 3 pièces sont comblés par les jouets, déchets, ustensiles en tout genre. Les enfants grandissent et apprennent par eux même à mesure que l’air se fait de plus en plus rare et irrespirable. Bientôt les enfants apprennent à empiéter sur des zones qui leurs étaient auparavant prohibées. Bientôt les enfants apprennent à s’émanciper par l’absence d’un mère négligente. Le passage à l'âge adulte se fera par la contrainte et dans la douleur.

Un détail attire l'attention des enfants lors de la première sortie qui marque la fin de la première partie : Une fleur parvient, au cours de la germination, à percer le bitume, à rayonner et à dévoiler son entière majesté malgré les contraintes qui pèsent autour d’elle. La prospérité reste accessible tant que l'optimisme d'enfants pleins de ressources et de volonté perdure.

Mais le bonheur ne dure qu’un temps et la réalité amère refait surface brutalement. Au drame social se conjugue le drame humain, toujours perçu avec une infinie pudeur et une grande maturité.
Ils n’appartiennent pas à ce monde, ils y vivent mais n’y appartiennent pas. Faire preuve de la plus grande discrétion est de rigueur et ne pas dépendre des autres –surtout pas des institutions responsables- est nécessaire, car personne ne doit savoir, et le titre l’indique bien : personne ne sait, et vraisemblablement, personne ne cherche à savoir.
Hu_Go
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le 10 févr. 2015

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