Il m'a été bien difficile de rester insensible à cette oeuvre signée Hirokazu Kore-Eda, surprenante par sa non-dramatisation d’événements pourtant terribles, mais aussi par une certaine froideur qui ne vise jamais une personne en particulier.
Le cinéaste japonais s'intéresse ici au sort d'une mère et de ses quatre enfants, devant cacher trois d'entre eux pour se permettre de vivre dans un appartement, et ces derniers vont devoir faire avec des absences de plus en plus présentes de la mère. Comme il le fait dès que j'ai eu l'occasion de voir une de ses œuvres, il s'intéresse à la famille et ici, il va axer Nobody Knows sur l'absence, que ce soit de la mère, de liberté ou de repère pour des enfants qui vont se retrouver seuls dans un monde d'adulte qui semble prôner l'indifférence à leur égard.
Il va capter cette vie en appartement et caché dans les moindres détails sachant, comme Ozu en son temps, s'attacher à de simples moments de vie pour en tirer tout le bonheur ou malheur sans aucun excès ou lourdeur, mais avec une finesse rare, que ce soit dans l'écriture ou la mise en scène. C'est un sentiment d'inquiétude qui domine l'oeuvre, la peur de la vie humaine qui se déroule hors de l'appartement et on ressent une certaine angoisse sourde, alors que Kore-Eda va faire preuve d'une grande froideur et habileté pour montrer les aléas désastreux d'un quotidien de ces enfants, qui va devenir similaire à celui d'animaux, où le plus faible ne pourra plus survivre dans le troupeau. Il n'est là pour juger, ni pour pointer la mère du doigt, mais plus sur l'humain dans sa globalité.
Il n'hésite pas à se mettre à un point de vue d'enfance, offrant à l'oeuvre une certaine naïveté sachant être touchante, lui permettant de mieux dresser un tableau d'une enfance brisée. On finit par vivre avec eux, se sentir proche d'eux et adopter leur point de vue. Il démontre aussi une vraie science dans le montage, où tout s'enchaîne avec fluidité, dont quelques séquences fortes ressortiront de ces silences angoissants, comme celle des cadeaux de Noël. Les jeunes comédiens sont remarquables, rappelant par moment un peu ceux des Gosses de Tokyo d'Ozu.
En mettant en scène Nobody Knows, Hirokazu Kore-Eda dépeint la fragilité de l'enfance et la façon dont on elle peut se briser, avec une caméra à la hauteur de ceux-ci, pour mieux nous immerger dans cette famille marquée par l'absence.