Je n'ai jamais vraiment accroché au cinéma de Bonello, mais la belle affiche, le sujet brulant et le ramdam autour de celui-ci ont eu raison de moi. Et je dois dire que les premières minutes du film m'ont plutôt séduit : de jeunes visages inconnus mais imprimant d'emblée leurs personnalités diverses, qui se déplacent comme dans un ballet sans paroles dans le métro et les rues parisiennes, accompagné d'une musique électro envoûtante (composée par Bonello lui-même) font de la première partie une espèce de clip musical assez élégant.
On comprend peu à peu les rouages de leur organisation millimétrée, comme nous le rappelle régulièrement un timer sur l'écran. Mais les problèmes arrivent dès que les motivations de ces personnages sont peu à peu révélées, que ce soit par des flash-backs qui ont la vertu de ne pas être trop facilement explicatifs mais qui sont bizarrement montés avec le reste du film, ou par les dialogues de ces jeunes futurs criminels qui révèlent vite le flou (idéo)logique complet qui gouverne leurs actions. Le dialogue à propos de Sciences-Po est à ce titre complètement à côté de la plaque.
Et finalement, la même ambivalence traverse tous le film :
qu'il vire au remake de Dawn of the Dead à la Samaritaine du point de vue des zombies ou jeu vidéo GIGN à la fin,
toujours cette impression de voir de jolies choses abstraites qui deviennent ridicules dès qu'intelligibles.
Je lis un peu partout qu'il est question de révolte, Bonello parle même d'insurrection, mais j'ai du mal à voir une révolte dans leur geste, dans le sens où ils ne revendiquent rien, ne se font pas connaître. C'est même pas un coup de gueule, ni un coup de pied dans la fourmilière, puisque de toute évidence on peut penser que leur action n'aura absolument aucune conséquence...
(et encore, heureusement que dans leur monde ils sont découverts, même si le sort qui leur est réservé (que je trouve assez incompréhensible, jamais la gendarmerie ne viendrait exécuter des gens passifs et avec de potentiels otages) ne permettra pas de vraiment éclaircir leur but)
Et même en sortant de la diégèse, je ne vois pas trop quel enseignement on peut tirer de ce film : oui, la jeunesse (ou en tout cas une partie) est désespérée, désenchantée, perdue, abandonnée, mais tout ça on le sait déjà et je ne trouve pas que le film nous éclaire ou nous bouscule plus que ça sur ces questions...
Ce qui me dérange le plus avec ce film, c'est qu'à la fois il évite au maximum d'expliquer, de politiser, de donner sens à cette insurrection, mais qu'en même temps on voit les personnages être très réfléchis, prévoir leur plan et surtout prévoir de s'échapper après tout ça (même si c'est absurde de se planquer au même endroit plutôt que de s'éparpiller, mais bon), alors qu'il n'y a aucune raison que leurs actes aient une quelconque conséquence puisqu'ils ne revendiquent rien (au moins quand les banlieues faisaient cramer des voitures, c'était en réaction directe à une bavure ; et non pas un truc "qui devait arriver" et qui fait "hurler certains de joie" comme l'annonce dans le film le personnage d'Adèle Haenel).
Le but c'est quoi ? De montrer qu'ils sont juste cons ? A la limite, si le film avait été plus de leur côté, en évitant de les exécuter sans sommation (donc sans aucun réalisme) à la fin pour les punir, pourquoi pas...
Mais là leur action comme le film ne me semble être ni un feu de détresse, ni un embrasement symbolique, ni un feu d'artifice : juste un pétard mouillé, ou un très gros et beau canon qui fait long feu au lieu de l'explosion promise et censée chambouler la société.