Film phare de mon enfance - mais pas de celle des autres apparemment, "The Muppet Christmas Carol" n'est pas né sous les meilleurs auspices. Jim Henson, créateur des Muppets, a passé l'arme à gauche 2 ans plut tôt, et il s'agit donc avec ce film de savoir si l'esprit des célèbres marionnettes peut survivre à leur géniteur. La question ne se pose pas longtemps : dès les premières minutes, le charme de l'esprit Muppets dilué dans le folklore victorien nous happe comme une madeleine de Proust. 8 ans après leur dernière incursion au cinéma, Gonzo, Kermit, Piggy et leurs potes rendent un hommage appuyé et idéal au génie de Jim Henson.
Et qui de mieux pour orchestrer cet hommage que fiston Henson, Brian de son prénom ? Bah Frank Oz, peut-être, mais on s'en fout car Brian nous sert un petit délice parfaitement empaqueté. Malgré les contraintes imposées sur le cadrage par l'utilisation des marionnettes, cet opus ne se prive pas d'afficher quelques inspirations visuelles. Henson fils louche même parfois du côté de l'angoisse, explorant les limites de ce qui est faisable sans risquer de traumatiser les mômes. Il s'applique surtout à rester en osmose avec l'atmosphère dégagée par les chansons de Paul Williams.
Et ça fonctionne plutôt pas mal, d'autant plus que la fusion avec l'univers de Dickens s'est opérée en prenant soin de conserver intacts les caractères et les gimmicks de chacun des Muppets. "The Muppet Christmas Carol" est plein de ces moments poilants, de cet humour à la fois tendre, absurde et enfantin dont Henson avait le secret : la bise de Rizzo sur le pif de Gonzo, les bouclettes de Piggy et de ses filles qui virevoltent dans tous les sens au moindre mot prononcé, le solo de batterie déglingué d'Animal, la démarche avachie de Kermit... Désolé pour Michael Caine, qui d'ailleurs semble parfois peu à son aise dans cet univers, mais le grand acteur se fait logiquement voler la vedette par cette folie furieuse 100% coton. Et quand je dis "folie furieuse", c'est littéral, tant les bestioles pullulent à l'écran et rendent les décors du film profondément vivants.
On n'échappe pas à la guimauve inhérente au genre du film de Noël (et au conte original de Dickens dont la morale n'est pas des plus subtiles), mais on l'accepte d'autant plus volontiers que Brian Henson sait rester sobre dans l'émotion. Ce dernier reprend le flambeau comme il faut et nous offre au final tout ce qu'on est en droit d'attendre d'un film Muppets : une gourmandise drôle, intemporelle, décalée, bon enfant, et pleine de peluches avec des trognes et des voix à croquer.