L’ennui islandais est bien le seul qui peut inspirer un réalisateur à filmer une partie de Mastermind ou la construction d’un puzzle. Et je ne parle pas de la personnalité de Nói, adolescent et personnage principal, élevé parmi ces éléments littéraux et l’américanophobie mollassonne d’un T-shirt proclamant « New York fucking city ».
Il n’y a d’ailleurs aucune énergie, comme si l’équipe n’avait su se débarrasser du vrai sentiment d’ennui en le filmant, et c’est ce qui rend superflu de faire de Nói un surdoué. Le film est trop plat pour cultiver des personnages, son intérêt est ailleurs. Quoi qu’il en soit, entre la montagne solitaire qui veille froidement sur le permafrost de l’existence islandaise et les rêves de Hawaii, il y a tout un monde, tout un décalage que Dagur Kári est bien sûr impatient de transmettre, pour bien faire comprendre qu’il y a une limite à l’acceptation du monde dans lequel on est né, quand il est si isolé.
Les petits délits ne prennent des allures criminelles qu’après un sas de tolérance étonnante, forgée à la dure par des tares qui, à l’instar du nom du père, sont transmises de génération en génération. Dans le genre, l’œuvre n’est pas la plus parlante ni celle dont la mise en scène fasse le plus rêver. Mais elle place un peu d’insouciance dans la grosse déprime, un peu d’absurde dans le quotidien, le soupçon de méthode scandinave qui a de quoi embosser le désir de s’en aller dans la pleine conscience que c’est impossible, avec toute la sobriété que les paysages imposent.
Quantième Art