Deuxième film de Spike Lee (et premier après obtention de son diplôme de la Tisch School of the Arts) produit dans des conditions assez spartiates, débordant de débrouille technique, et limité à quelques lieux et quelques personnages. "She's Gotta Have It" a un petit côté théorique, en déficit de pragmatisme dramaturgique, avec ce portrait féminin entouré par trois amants — incarnant chacun une facette de la masculinité : Tommy Redmond Hicks est le romantique, John Canada Terrell le viriliste, et Spike Lee himself le blagueur. Le film est essentiellement structuré par ses dialogues, qu'il s'agisse de véritables échanges entre les personnages ou de monologues débités face caméra, et c'est ce qui le rend particulièrement lourd par endroits. Le temps n'a pas dû arranger la chose, non plus.
Spike Lee compose ce qui peut de loin ressembler à un conte moral, la protagoniste incarnée par Tracy Camilla Johns recherchant en quelque sorte le bonheur dans un couple qui n'existe pas, étant donné qu'elle va chercher chez chaque homme une partie qui lui plaît. Il y aura même une tentation homosexuelle, histoire de lorgner vers l'exhaustivité. C'est clairement un film à visée féministe qui entend bien montrer la résistance de Nola Darling face aux différents hommes qui la convoitent (en recherchant l'exclusivité, eux), revendiquant une forme de liberté et d'indépendance qu'ils ont beaucoup de mal à comprendre ou à accepter.
Un joyeux bordel sentimental et sexuel qui s'organise principalement autour du lit cerné de bougies de l'héroïne, et dans lequel chaque partie aura l'espace pour présenter (un peu scolairement) son état d'esprit, ses passions, ses pulsions, etc. Spike Lee adopte un style indépendant, sans doute un peu conditionné par les conditions de production difficiles, sous l'influence assez manifeste de plusieurs cinéastes, Allen, Cassavetes et Jarmusch a minima. On ne croit pas vraiment aux derniers sursauts existentiels — elle se résoudrait à la monogamie, ou bien serait-ce à la chasteté ? — mais il flotte quoi qu'il en soit sur "Nola Darling n'en fait qu'à sa tête" une tonalité amateur et libre qui n'est pas totalement dénuée de charme.