Nope est le troisième film du réalisateur Jordan Peele. Le plus ambitieux et aussi le plus captivant à bien des niveaux. Une histoire originale et oppressante d'un OVNI qui rôde dans le ciel, prêtant à plusieurs visions métaphoriques sur notre monde et de nos façons de le vivre et de le percevoir, de nos envies et de nos rêves de gloire, de nos expositions face ou dans des médias au mépris d'un danger autant psychologique que physique.
Nope est un film qui mélange des genres cinématographiques autant que le western, la science-fiction, le suspense, l'horreur et ce cinéma de la fin des années 1960 et du début des années 1970 qui met en vedette des acteurs noirs avec l'excellente bande son qui va avec.
Daniel Kaluuya, qui a déjà joué dans le premier film de Jordan Peele, le perturbant Get Out, et l'actrice Keke Palmer, jouent le duo de frère et sœur, O.J. et Emerald Haywood, aux caractères opposés et à la fois complémentaires tentant de maintenir le ranch familial financièrement à flot (surtout le frère) après la mort de leur père provoquée par la chute mystérieuse d'objets tombés du ciel six mois auparavant. Contraint de vendre des chevaux à Ricky "Jupe" Park lequel dirige un nouveau parc à thème dans le voisinage, O.J. va s'apercevoir que quelque chose d'anormal plane dans le ciel, manifestant sa présence par des coupures d'électricité et des pannes de téléphones portables.
L'idée d'Emerald Haywood, au tempérament expansif, de capter et de filmer l'étrange phénomène volant afin de vendre les images pour toucher le pactole amène deux autres personnages, le premier rendu curieux par les activités des Haywood, Angel Torrès (Brandon Perea), venu installer un système de surveillance par caméras pour guetter le ciel. Le jeune vendeur et technicien du magasin, sympathique mais qui a tendance à trop vouloir s'incruster au début, sera d'une aide non négligeable par la suite. Le deuxième personnage, qui viendra pour la confrontation finale, n'est autre que Antlers Holst, un chef opérateur semblant froid, passablement grognon et blasé, interprété par l'acteur canadien Michael Wincott, dont le but pour lui est de saisir l'image impossible.
En parallèle de l'histoire de l'OVNI, dont la présence ressentie terrifie aussi les chevaux du ranch Haywood, il y a celle de Ricky "Jupe" Park (Steven Yeun), le directeur du parc hanté par un évènement traumatisant de son enfance lors d'un tournage sur un plateau d'une sitcom dont il était la vedette, où un chimpanzé craqua nerveusement et agressa violemment des personnes, provoquant des morts dans une séquence sanglante. Le début du film donne un avant-goût lugubre de la scène d'où on entend d'abord que le son, puis quelques images sont montrées, avant de révéler plus tard la terrible séquence qui a donné un point de départ important au développement psychologique de Ricky ainsi qu'à sa perception de la réalité et de son point de vue en tant qu'adulte sur l'étrange OVNI qu'il s'imagine connaître.
Car entre O.J. Haywood et Ricky "Jupe" Park, il est question de bonne et de mauvaise observation, de l'un, plus terre à terre, qui est mal à l'aise et réfractaire au monde superficiel de l'industrie hollywoodienne grouillant d'un personnel hors sol et non respectueux de son métier, et de l'autre qui vit dans un déni de la réalité en ayant gardé la tête dans son monde faussé et illusoire du star system. Il y a histoire d'une leçon retenue et d'une autre qui ne l'est pas. Et lorsque les deux personnages se confrontent chacun de près à l'objet volant non identifié avec en bagages deux expériences distinctes, ou ça passe ou ça ne passe pas et dans le dernier cas, ça se passe très mal comme lors de quelques plans où l'un est montré, en conséquence, d'une finalité horrible et claustrophobique. Et on a là un film qui sait captiver avec des thèmes musicaux variées et synchrones aux scènes appropriées, qui est de qualité tant sur l'angoisse, le suspense et l'horreur comme un certain Steven Spielberg sut faire il y a plusieurs décennies en arrière.
La véritable nature de l'OVNI, énorme créature prédatrice qui se révèle aussi majestueuse que dangereuse dans son apparence finale, aurait probablement réjoui Carl Sagan qui avait imaginé une éventuelle faune aérienne vivant dans l'atmosphère de la géante Jupiter. Vis à vis de la titanesque planète gazeuse, le nom du parc à thème est-il volontaire ou n'est-il que pure coïncidence ? Est-ce un potentiel indice quant à l'origine extraterrestre de la chose dans les nuages ? Cette question ne reste qu'une supposition et ne paraît pas vraiment nécessaire à la trame du film.
Première critique écrite le 20 août 2022 et complètement réécrite le 28 octobre 2023.