Il paraît que NOPE signifie "Not Of Planet Earth", ce qui est très fûté : d'abord il s'agit moins d'un OVNI que d'un nuage servant à dissimuler un prédateur extra-terrestre, puisque les prédateurs préfèrent se planquer à l'affût de leurs proies, ensuite ça rappelle le titre d'une série B de Corman, Not of this earth, ce qui est toujours sympa.
En parlant de gros colon, l'OVNI rappelle certains organismes sous-marins assez statiques, dont le même orifice sert à absorber et à excréter. Mais comme l'ont fait remarquer certains, une fois déployé, la bouche de l'OVNI ressemble à un capteur d'appareil photo, et avant cela, il nous est visuellement rappelé avec insistance que son orifice ressemble à une pupille. Un peu comme l'industrie cinématographique, il consume ce qu'il voit, l'objet de son attention est pressuré pour être vidé de son bon jus puis recraché. Une leçon que n'a pas apprise l'un des personnages.
JUST SAY NO fut le slogan tenu par la femme de Reagan pour "convaincre" les jeunes de ne pas consommer les drogues que la CIA soutenue par son mari répandait (entre autres) dans les quartiers noirs.
Le film se situe dans le désert, comme la fameuse zone 51, et les bases militaires d'essais nucléaires et de vols aéronautiques. Vu son sujet, *Nope *ne pouvait évacuer la question du complotisme. Reste à voir si ce nuage est aussi une métaphore des "cover ups".
Le personnage principal est laconique comme la figure du cowboy de cinéma. Peele, dans ses sketches humoristiques flirtant avec le "cringe" (grincements de dents), adoptait souvent le rôle d'un personnage horripilant. Dans ses films, toujours satiriques, aucun personnage n'est sympathique. Les personnage principaux ne le sont ni par leur caractère, ni par leurs choix de vie.
En général, ce sont des traîtres.
Il est impossible de faire abstraction des origines ethniques des personnages dans un film contemporain, de surcroît un film de Jordan Peele. Et on ne peut supposer qu'il fasse abstraction des stéréotypes ethniques, dont il a amplement joué dans ses parodies de films américains sous forme de sketches pour la chaîne Comedy Central (ahem, CCTV? - initiales des systèmes de caméras de surveillance - qui semble avoir le quasi monopole sur les productions d'humour audiovisuel US). Le passage au long-métrage implique la transition de la *parodie *vers la satire, laquelle peut encore se situer à l'intérieur d'un genre, mais est supposée s'attaquer au delà de cette forme, à la société elle-même, d'une manière plus profonde et originale.
La famille afro-américaine au centre de ce film travaille pour le spectacle depuis des générations. Elle a su tirer son épingle du jeu, en conservant une certaine dignité. Enfin.... Face aux difficultés, et avec les nouveaux modèles, la fille se comporte de manière bien plus putassière. Il faut savoir se vendre. Ce à quoi le personnage principal ne répondrait probablement que "nope". Comme le cowboy sans nom. Le chevalier qui fait "nope".
J'entendais récemment que le fait que les noirs soient tués par des flics noirs était une preuve du racisme systémique. Voire. Mais son sait désormais que les cowboys noirs étaient probablement un bon tiers de la population de garçons vachers.
En Inde, des gens portent un masque sur l'arrière de la tête pour que les tigres ne les attaquent pas - toujours par derrière (les chats sont sournois). Contrairement au prédateur habituel, notre extra-terrestre/vaisseau/OVNI n'attaque que lorsqu'on le voit. Ce qui permet d'expliquer que l'on ignore son existence. Mais son mode de vie est mis en péril par les nouveaux media : désormais, tout le monde porte une caméra sur lui. Et tout le monde, comme la soeurette, désire devenir riche et célèbre. Pas notre cowboy. Si l'on poussait la métaphore, dirait-on que notre OVNI-hollywood n'aime pas être filmé par ceux qu'il ne se prive pas de filmer?
Mais leur voisin d'origine coréenne, lui, a ouvert un parc d'attractions qu'il espère rendre célèbre en attirant l'OVNI. L'un des regrettables traits de son caractère est sa duplicité. Il prétend acheter les chevaux du cowboy comme une manière de lui prêter de l'argent pour lui rendre service, et les utiliser dans son parc à thème western en attendant que le cowboy puisse lui racheter. en réalité, il les utilise pour attirer l'OVNI en le nourrissant. L'installation de son parc nostalgique de l'Ouest mythique à cet endroit, est calculée pour exploiter deux ressources : son voisin et l'OVNI.
Dans ce film-ci, le "Coréen" est le traître. Il a adopté les valeurs de la culture qui l'a adopté. Comme les propriétaires d'épiceries coréennes qui tenaient la foule à distance à portée de fusil pendant les émeutes de Los Angeles en 1991 après le tabassage de Rodney King par les flics. C'est un ancien enfant star qui court après le succès qu'il a connu trop tôt. Et comme la plupart d'entre eux, il a l'air cinglé. Et pour cause.
200 000 sud coréens, souvent des enfants seuls, ont été adoptés à la fin du XXe siècle en occident, dont plus de 120 000 aux USA. Et il y a beaucoup d'histoires louches autour des adoptions, dans ce cas-là comme dans d'autres (kidnappings de diverses sortes, qu'il s'agisse d'enfants enlevés dans le sud des USA des années 20 à 70 parce qu'ils étaient blonds aux yeux bleus et correspondaient aux demandes, qu'il s'agisse d'enfants des colonie envoyés travailler comme larbins dans la métropole en France, ou d'enfants enlevés à leurs parents gauchistes dans les pays hispanophones fascistes, d'enfants enlevés à leur famille en Corée du sud, etc.). Or notre ex-coréen jouait un enfant adopté par une famille US dans une sitcom des années 90... Aux côtés d'un singe - l'autre "enfant" adopté. Dans cette série fictive, il y avait une fille "naturelle" blonde, leur soeur - comme dans Arnold et Willy ("Diff'rent strokes" - titre qui se moque de la prononciation des classes populaires afro-américaines - ou juste pour faire "amical"?). Sauf que les deux gosses afros sont remplacés par un coréen et un singe. Et que le chimpanzé est un animal dangereux, ce que les ignares d'hollywood ignorent superbement.
Le cirque médiatique
Si les années 90 ont connu une petite vague de films pour enfants ayant pour personnage principal un singe, celui qui a été assez fou pour inclure un chimpanzé dans sa ménagerie, ce fut MJ, Michael "Don't go near Bubbles!" Jackson. Bien sûr, en grandissant, le primate d'adoption devint ingérable, trop dangereux parce que trop fort pour des humains, et moins WASP - plus proche d'un Tony Montana sous cocaine, au niveau de la maîtrise des émotions.
Pourquoi, dans un film aussi lent, une telle prolifération des signes? Ce film accumule les allusions comme s'il tendait la perche aux commentateurs des "sciences médiatiques". Peut-être est-ce simplement une manière de refléter la confusion de la culture de masse américaine. Peele nous ferait son Under the silver lake "Over the brown ranch".
Le personnage principal s'appelle OJ. Que faire de ça ? OJ Simpson fut au centre de l'un des deux procès hyper médiatisés des années 90, avec l' "affaire" Monica Lewinsky. Les blancs étaient certains de la culpabilité du boxeur, les noirs prenaient son parti - par une solidarité raciale qui devrait tout laisser passer à un "frère" exposé aux foudres de l'establishment. Les flics noirs devraient faire passer cette mode. Ces deux cirques médiatiques me rappellent plutôt qu'ils ont pris le devant de la scène aux dépens du scandale Iran-Contra exploré dans Dark alliance, le travail qui a causé la ruine de son auteur, puis son suicide. Pendant que le militantisme noir succombait sous l' "épidémie" crack cocaine, la culture des black panthers laissant place à celle du gangsta rap (par exemple, Tupac était le fils d'un couple de militants tombés dans la drogue dans les années 80 après les années de harcèlement policier et judiciaire dans les années 70).
Si on songe à l'acharnement dont fit preuve le FBI envers tous les représentants de l' "alternatif", le complot du crack comme moyen de détruire les communautés devient moins délirant. Enfin, même un rigolo comme Robert Crumb s'est vu présenter un énorme dossier sur ses activités lorsque le fisc US a décidé de s'attaquer à lui au milieu des 70s.
Ce qui nous conduit au présent, où notre ex-coréen n'a pas compris la leçon, et souhaite "adopter" un prédateur extra-terrestre. Et on découvre aussi qu'il a probablement eu ses enfants avec son ancienne co-star au visage dévoré par le singe, qui ressemble à une de ces anciennes gloires recluses et fantomatiques.
Dans ce film, c'est lui qui complote, qui prend à son compte le rôle des autorités malveillantes, lui qui induit en erreur sur ses intentions et sur le véritable rôle du site qu'il a fait construire.
Le latino et la famille afro ont eux aussi des rêves de célébrité et de richesse, mais ils n'ont pas atteint le niveau de corruption du coréen. L'américain, lui, est la version reporter du "grand chasseur blanc", le riche occidental qui va massacrer des espèces en voie de disparition dans les sites naturels. Ted Roosevelt, qui a donné son prénom au teddy bear, était par ailleurs le tenant d'un impérialisme américain qu'il présentait déjà sous la couverture d'une "USA police du monde". Il se disait prêt à apporter son soutien à tout régime menacé par les dissensions internes, le copain. Il était l'une des incarnations les plus connues de ce chasseur/prédateur humain situé en haut de la pyramide des espèces.
Notre cowboy, lui, est un peu la version inversée de Tarzan, le blanc qui va réussir sa vie dans la jungle - "darkest Africa". L'inverse du mythe, de la version romancée et idéalisée du colon.
Un film plein de bonnes idées, mais une nouvelle fois assez ennuyeux, comme les précédents de Jordan Peele. Peut-être parce qu'une condition pour créer une tension est de s'identifier aux personnages principaux mis en péril ; or les siens sont toujours antipathiques. A moins qu'une certaine couleur de peau n'engage immédiatement une certaine catégorie de spectateur, quel que soit le caractère du personnage représenté ? Dans ce cas, je suppose que Peele invite ces spectateurs à s'interroger sur leurs identifications automatiques... Er sur eux-mêmes.
L'affiche est bonne : je viens seulement de remarquer un détail qui doit nous échapper (ou nous intriguer) avant d'avoir vu le film : la guirlande happée par le nuage. On dirait même un jet de pissou.
Nancy Reagan Clint Eastwood Just Say No PSA