Débarrassé de ses revendications sociales, visant à dénoncer le racisme ordinaire des démocrates se lavant les mains de toute intolérance ou jugement de valeur pour avoir voté Obama du genre « nous vallons tellement mieux que vous bande de pitoyable républicains con et ignorants », ou bien de la lutte des classes et autres théories du grand remplacement, Jordan Peele peut également être un cinéaste fascinant si tenté qu’il s’écarte de cette Elevated Horror qui ne fait pas toujours parler d'elle pour les meilleures raisons face au dédain affichés par certaines productions où il suffit de subvertir un argument de série B pour y glisser un propos démago voir médisant. Chacun ses opinions après tout, l’horreur étant un genre suffisamment vaste et universel pour susciter l’émotion par de multiples procédés que les réalisateurs ont sût parfaitement décortiqués au fur et à mesure des décennies pour mieux les réemployer, les détourner, ou tentait de les réinventer pour déjouer les attentes d’un public toujours plus exigeant en matière de frisson. Pour une fois, le réalisateur se permet de tutoyer le ciel des Spielberg et Shyamalan sans jamais péter plus haut que son cul. On aurait pu craindre ; c’était mon cas ; un nouveau fumet nauséabond avec cette campagne promo esquissant un nuage glouton, une métaphore filmique nombriliste de gros malin. Il n’en est rien. Nope s’inscrit dans le sillon des meilleurs films d’UFO’s et d’invasion interplanètaire, rien que ça.


Dans sa volonté de vouloir replacer l’homme afro-américain sur le devant de la scène après avoir été longtemps relégué dans les bas-fond de la Blacksploitation, Jordan Peele fait de cette revendication son cheval de bataille à travers une réflexion qui lui fera remonter le temps jusqu’aux origines du cinéma et de sa conception. Une quête que vont mener pour lui ses deux personnages principaux : OJ un dresseur de chevaux bourru et sa sœur Em cascadeuse joviale et extraverti qui tentent de faire honneur à leur vieux père décédé dans des circonstances mystérieuses en début de récit. Ensemble, ils vont d’abord chercher à s’imposer dans le milieu équestre majoritairement dominé par les blancs et progressivement remplacé par les effets spéciaux afin d’éviter les désagréments de plateau qu’implique le dressage des animaux. Leur argument ne tient pas réellement à leur talent mais bien à une légitimité acquis par le droit du sang (celle-là même que brandissent les blancs nationalistes) et d’un ancêtre dont l’histoire en a retenu la silhouette : celle d’un jockey galopant sur un cheval, où la première représentation d’un film d’animation employé par la méthode chronophotographique de Eadweard Muybridge. Ainsi tout le casting est dédié à servir la diversité du milieu artistique avec un geek latino passionné d’ufologie (délires habituellement réservés aux blancs, du moins si on en croit les reportages sensationnels de TFX) et surtout un asiatique à la tête d’un parc à thème sur le western, autrefois acteur d’une sitcom télévisé interrompu suite au massacre d’un chimpanzé. Un traumatisme qui va le pousser à exploiter cette tragédie et à capitaliser dessus. Le rôle de l’homme d’affaire cupide et vaniteux n’est donc plus l’apanage des blancs.


Chacun des protagonistes cherchera à tirer le meilleur parti de cet ovni entre-aperçu dans les nuages et dont la description nous renverra au mythe traditionnel de la soucoupe volante plus animal que vaisseau spatial dans ses déplacements. La meilleure idée du film consiste d’ailleurs à dévoiler l’apparence de la chimère la plus tardivement possible en cachant sa présence dans les ténèbres de la voûte céleste, ce qui permet de susciter la peur par la simple puissance évocatrice du hors-champ ou par une pluie de sang occasionné par les menstruations de l’entité vorace. La majeur partie du récit est axé sur le plan de Em et OJ qui vont tenter de capter l’image parfaite pour décrocher la timbale comme le ferai des chasseurs de tornades risquant leur vie. C’est justement dans cet objectif de money shot mortel que se noue le oeur du récit, à la recherche de cette scène pour laquelle les gens seront prêt à faire le déplacement. Et pour ceux qui espéraient une rencontre du troisième type, ou se prendre une sonde annale dans le rectum, il n’en sera rien puisque l’élévation tant attendue censé pouvoir révéler du but en blanc les nombreuses interrogations esquissés ne débouchera que dans un charnier digestif ressemblant à des trompes de Fallopes géantes où s’entassent les carcasses de ceux qui auront naïvement tenté de la dompter ou de la scruter du regard.


T’aimes l’odeur du blaster fumé au petit déjeuner ? Tu rêves de pouvoir voyager à travers d’autres dimensions afin de quitter ce monde de cons ? Rends-toi sur L’Écran Barge où tu trouveras toute une liste de critiques dédiées à l’univers de la science-fiction, garanties sans couenne de porc.

Le-Roy-du-Bis
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ça sent le Thick chon

Créée

le 9 août 2024

Critique lue 11 fois

1 j'aime

Le Roy du Bis

Écrit par

Critique lue 11 fois

1

D'autres avis sur Nope

Nope
Rolex53
4

Nope une apparition prometteuse, et puis plus rien dans le ciel

Get out, oui, us, peut-être, Nope, non. Cette tentative de déconstruction du concept d'Ovni, renforcée par une symbolique liée à la nature, ainsi qu'une certaine critique touchant à l'humanité, et à...

le 6 sept. 2022

155 j'aime

5

Nope
Cygurd
8

Refus, pas si catégorique, de la société du spectacle

Après l’impressionnant coup d’éclat Get Out, Jordan Peele n’avait pas franchement transformé l’essai avec Us, prototype du second long ampoulé et péchant par excès de symbolisme. Nope allait donc...

le 27 juil. 2022

153 j'aime

12

Nope
Behind_the_Mask
5

♫ Monster up and down... Monster move around... ♪

Aujourd'hui, un film de Jordan Peele ne peut que susciter l'attente : tant au regard de la qualité des films qu'il réalise que de leur aspect militant, voire politique, ou encore de son aura critique...

le 10 août 2022

96 j'aime

14

Du même critique

Whiplash
Le-Roy-du-Bis
10

I’m Upset

On ne nait pas en étant le meilleur, on le devient au prix d’un travail acharné et d’une abnégation sans faille. Le talent n’est pas inné, il se développe et se cultive par un entraînement rigoureux...

le 17 juil. 2023

8 j'aime

21

Alien 3 : Édition Spéciale
Le-Roy-du-Bis
7

Le Projet Chaos

Parfois le sort ne cesse de s’acharner, et les majors Hollywoodiennes de produire de nouvelles suites et de nouveaux calvaires à faire endurer à leurs héroïnes comme Ellen Ripley. On lui avait enlevé...

le 14 août 2024

7 j'aime

La colline a des yeux
Le-Roy-du-Bis
8

Les Retombées

À Hollywood, on aime pas trop prendre des risques inutiles et les remake constitue des retombées financières garantie. Massacre à la tronçonneuse, Halloween, Vendredi 13... Evidemment, pour s’assurer...

le 19 oct. 2023

7 j'aime

3