C'est trop inspirant, ça a changé ma vie, en plus il est plus fort que le cancer.
L'archictecture est photogiénique, ça n'a jamais fait l'ombre d'un doute, le fait qu'elle soit cinématographique est moins évident, c'est assez inerte comme objet un bâtiment.
Les docus de Richard Copans* avaient résolument pris le parti de cette immobilité. De grand plans séquence assez vides, au cadre très rigoureux, qui donnaient toutes la place aux perspectives, au bâtiment. Il avait aussi eu ce talent de rajouter le bruit du bâtiment, ce que seul un film pouvait faire. Des petits plans et prespectives simples, très pédagogiques.
Mais ces docus, autant que je les adorent, restent sans doute un peu austère et techniques, un peu trop pédagogique. Alors comment rendre ça dynamique, comment faire du cinoch' à l'américaine (au bon sens du terme) avec l'archi ?
La réponse de Carcas et Amado est simple : en ne parlant pas d'archi. Ce film est la success story d'un entrepreneur. En soi pourquoi pas, le genre a pu donner de bonnes choses (The Social Network par exemple). Mais non, il a fallu aller chercher dans tous les codes du biopic héroïque : «il est parti de rien, il arrive au sommet», «une détermination hors du commun», «le sens du travail», blablabla... tout ça sous un défilé de stars, de Rogers, Serra, Kapour ... et Bono. Et quand les images laissent un peu de place à la rêverie, la voix off vient tout casser d'une tirade grandiloquante «l'architecture c'est la métaphore de la vie». Car oui, tout est expliqué en détail, au cas où vous ne comprendriez pas, de pourquoi le ski de fond ça te rend trop fort, à pourquoi le ski de fond ça guéri le cancer, vous saurez tout des tréfonds de l'âme de ce génie ! (et sans entorse au cerveau...)
Les fameux bruits de Copans sont remplacés par de la musique d'ascenseur. Les perspectives deviennent des travelling pompeux, souvent en plan serré inutile, on filme plus les reflets dans les matériaux que les bâtiments. Les volumes ? poubelle. La lumière ? poubelle. Les fonctions ? poubelle. Les petits détails constructifs géniaux (nombreux chez Foster) ? poubelle. Les usagers ? poubelle 10 fois plutôt qu'une, pour les deux cinéaste il est clair qu'un bâtiment de Foster ne s'habite pas, ne s'utilise pas, il sert à faire des (mauvaises) cartes postales (et des travelling parce que c'est du ciné, pas de la photo !).
Triomphe auto-proclamé et esthétisme à gogo. À l'image de l'archi de Foster diront les mauvaise langues. Pas faux, mais ce serait être injuste. Qu'on aime ou pas, il y avait énormément de choses à dire sur le personnage comme sur sa production, notamment dans ce qu'ils ont suscité de controverse, comment il s'en est moqué aussi, pourquoi il vend tout simplement.
Ce n'est donc pas un film d'archi, un genre qui pourrait être intéressant, ni un film la vie d'architecte, autre genre qui a son intérêt, ni un mélange des deux. C'est une caricature triomphaliste pour adeptes de la réussite inspirante, type 1ère année d'archi entrepreneur ou bourgeoise qui a un gout pour «le design, l'art et tout ce qui est très beau». Et ça de base, c'est un genre bien pourri.
*Ces docus passent sur arte régulièrement.