Un jour il faudra qu'on nous explique comment les boites de productions ciné française parviennent à monter des budgets relativement conséquents pour au final n'obtenir qu'un rendu de téléfilm France 3 au rabais.
Et au-delà de ce "Comment?" se cache à plus forte raison un énorme "Pourquoi?"
Prenons ce film en exemple:
- un casting est relativement qualitatif (Cluzet/Demaison/Jones/Gadebois/Dupont/Duquesne sont pas des tâcherons)
- une idée de base sympathique et prometteuse (un village rural dans la tourmente financière qui va tenter de faire une photo de nu pour faire parler de sa cause à travers le monde, y a un parfum de Ken Loach à la française sur le papier...)
- la réalisation pouvait être une bonne surprise: Philippe Le Guay, bien qu'inégal, a sorti quelques belles choses ces dernières années : "Les femmes du 6ème étage","Floride", "Alceste à bicyclette".
Bref, tout était là pour fournir, sinon un chef-d'oeuvre, au moins un film honnête et bien foutu.
Et BIM , surprise, c'est pas le cas!!! Dingue, hein?
Déjà pour revenir au casting, en dehors des quelques noms précités, l'ensemble des comédiens est à la ramasse, joue faux la plupart du temps, surjoue le reste du film, dans une ambiance d'amateurisme grolandais (sans le trente-sixième degré de ces derniers).
Ensuite, le scénario part dans tous les sens, se voulant sans doute un film chorale ou chaque personnage aura sa petite histoire dans la grande. Mais pour parvenir à cet effet , encore faudrait-il que les petites histoires aient le moindre intérêt!
Là on nous ballade du combat principal du maire (François Cluzet) pour le maintien de l'emploi dans son village au retour du beau gosse prodigue (Arthur Dupont) qui va démarrer une amourette avec une ancienne camarade de classe (le tout n'évitant aucun cliché inhérent à l'exercice) en passant par le portrait d'une famille de parisiens menée par un entrepreneur en mal de campagne (FX Demaison) commentée en voix off par leur fille adolescente (qui ne commentera que l'histoire de sa famille et pas le reste des tracas du village), puis par l'affrontement entre 2 agriculteurs se disputant l'héritage d'un champ, la jalousie maladive du boucher (Gadebois), le mariage de la fille d'un des paysans, sans oublier les recherches esthétiques teintées de découvertes touristiques pittoresque du photographe américain (Toby Jones, perdu dans cette galère).
Tous les personnages sont survolés, ont la profondeur psychologique d'une huître, s'enfoncent dans tous les clichés possibles (les paysans normands sont tous de gros cul-terreux, les américains sont fascinés par le charme typiquement français du boudin, l'adolescente est en pleine rébellion contre son père et la société de consommation, le beau gosse sauve évidemment la situation après avoir trouvé l'amour qui éclaire son jugement, etc)
Chaque situation est amenée avec la finesse d'un trente-tonnes et tombe irrémédiablement à plat, on a autant d'enjeux que dans un épisode de Camping Paradis... Les dialogues sont tellement téléphonés aussi... Et pire, rien n'est drôle ou touchant au final.
Enfin esthétiquement, il ne se passe rien, ni en terme de cadre (champ/contre champ pour chaque dialogue évidemment), ni de photographie (tout est terriblement plat, fade), encore moins niveau montage... on se retrouve d'ailleurs avec des scènes sans aucun intérêt narratif (par exemple Arthur Dupont graissant son vélo, puis parcourant quelques sentiers...ça ne signifie rien par rapport au personnage, à son évolution ou a sa situation, ça n'amène même pas à un changement de lieu pour une scène suivante, non c'est vraiment "remplissage quand tu nous tiens!")
Donc pour revenir au problème exposé plus haut, pourquoi met-on de l'argent dans ce genre de production, qui n'est ni un produit véritablement populaire qui générerait des entrées en masse (400 000 entrées, c'est déjà honorable mais pas franchement rentable), ni une véritable tentative d'expression artistique engagée (certes il y a un léger fond de comédie sociale, mais tout est balayé par la banalité du traitement et des anecdotes), ni une vraie comédie (je défie quiconque de vraiment rire à une seule réplique ou situation de ce film), ni un vrai drame (tout finit plutôt bien même si on a aucun épilogue sur les retombées de leurs actions), ni une prouesse technique (ah si , attendez, on a quand même droit à un plan en hélico à la fin, mazette!).
Pourquoi faire ça? pourquoi ne pas prendre de risques? pourquoi faire un film sans saveur, tout juste bon à remplir un créneau de diffusion sur les futures grilles de programmation des chaines télé en justifiant un soit-disant soutien à la production française?
Et si ce n'était que le seul exemple! mais non, chaque année, on a droit à la sortie d'une trentaine de films de cet accabit, mal écrits, mal joués, mal filmés. Pas totalement honteux, certes, mais sans intérêt réel...
C'est peut-être ça qui fait le plus de mal au cinéma français, plus que les mauvaises adaptations de BD, que les comédies bourgeoises parisiennes auto-centrées, que les série B d'action sur fonds de banlieue de Besson. Parce que là, c'est juste médiocre et sans ambition.
Quoi qu'il en soit, si vous voulez voir un film traitant de la campagne, du mal-être des paysans, de la vie en province, préférez lui au choix "Alexandre le Bienheureux", "Une hirondelle a fait le printemps", "Les vieux fourneaux" ou "Petit paysan".
Au moins ce sont de vrai films de cinéma.