Comme l'esquisse de ce que seront les grands Les anges déchus et Chungking Express. Pas un mauvais film en soi mais la comparaison avec ces deux-là le pénalise, et me conduit malgré moi à relever plus facilement les défauts que les bonnes choses.
On y trouve déjà cette mélancolie. Ces portraits attachants de gens maladroits dans leurs rapports aux autres, que des fêlures ou des timidités tiennent à l'écart du monde. Cette notion d'imprévu dans les rencontres. Ces bribes d'amitiés ou d'amours bancals qui vont naître sans pouvoir s'épanouir très longtemps. Wong Kar-wai est doué pour tout ça. Ah Maggie, viens dans mes bras que je te console !
Ce qui est dommage, c'est que ce n'est pas transcendé par la malice et la fantaisie que l'on trouve dans les deux autres. Tous ces instants décalés qui font que Les anges déchus et Chungking Express ne sont jamais sombres malgré le spleen qui circule dans l'air. Il y a un souffle, ça vit, ça bouillonne au milieu des échoppes de bouffe et des néons multicolores de Hong-Kong. Nos années sauvages est plus résigné, plus pesant.
Même sentiment pour la mise en scène, j'ai eu l'impression que WKW savait déjà placer sa caméra avec talent, mais n'avait pas encore trouvé le truc pour la rendre si vivante. Et rebelote avec la musique, déjà utilisée avec goût ici mais sans l'audace payante qu'il développera plus tard.
A voir surtout comme les prémices d'oeuvres plus fortes donc, puisque même lorsque WKW reviendra à quelque chose de plus résolument triste avec In the mood for love, ce sera avec une classe et une maîtrise de l'histoire supérieures.