Simon Rieth a raté de peu la Caméra d’Or à Cannes l’an dernier avec son film Nos cérémonies. L’attente fut longue mais la récompense encore plus grande. En effet, ce premier long est quasiment parfait dans tout ce qu’il entreprend, à l’exception de dialogues ou de répliques qui sonnent faux à quelques occasions. Le réalisateur sait magnifier la région où il tourne, avec de magnifiques plans de la forêt, des plages ou des rues désertes de Royan. Il sait capturer la chaleur de l’été avec une image solaire quasiment aveuglante, oppressante, qui pèse sur les protagonistes. Simon Rieth signe évidemment un teen movie et sa mise en scène adopte un regard doux et fascinant sur la jeunesse : un plan séquence lors d’une soirée pour y déceler l’euphorie, un travelling avant pour montrer la naissance de l’amour et du désir. Le réalisateur filme la jeunesse comme on ose peu la capter : il filme à juste distance une scène de masturbation en gros plan fixe, assez déroutante, à la fois intrusive et pudique, en parfait équilibre.
Rieth filme le désir et les sujets désirants : des deux frères, souvent torse nu ou en maillot de bain, il en dégage une véritable sensualité, un érotisme assez rare dans le cinéma français. Il scrute une relation d’une toxicité assez incroyable entre deux frères, où la codépendance morbide se joint à une tendresse évidente. Les deux interprètes, Simon et Raymond Baur, sont formidables, le premier phénoménal en prédateur assez flippant et imprévisible ; le second toujours juste dans la fragilité et l’inhibition de son personnage. Rieth les filme souvent ensemble et les cadre à la perfection. Les éléments fantastiques du récit permettent au réalisateur de signer des scènes où l’horreur et la poésie cohabitent de manière magistrale, où la violence et l’amour tentent de coexister. Les rares effets spéciaux sont splendides de sobriété et de style et parviennent à rendre le long métrage déchirant dans ses derniers instants. Un grand premier film, à la hauteur de l’attente.