Bon c'est touchant mais c'est nul. Ce que j'entends par là c'est que le film n'a de touchant que son histoire, j'aurais sûrement eu les mêmes frissons en lisant un article qui se contenterait d'expliquer factuellement l'affaire Oussékine. Parce que oui, le film est mal raconté, les idées de mise en scène assez pauvres et l'ambition artistique absente, et c'est ce que je vais tâcher d'expliquer plus en détails par la suite.
Commençons quand même par le bon point, la mise en scène des forces de polices en action contre les étudiants (je pense ici au scène de répression des manifestations, ou des déblocages d'amphi), de tous ces petits soldats anonymes de par leur casque, qui ne font plus qu'un pour ne former qu'une masse informe qui dépasse les individus. Un monstre hors de contrôle qui frappe et qui tue indépendamment de la volonté de chaque partie qui le constitue. Je vous rassure ce filon, qui était pourtant prometteur, n'a été que très peu exploité tout le long du film, qui se contente le reste du temps de tout ramener aux méchants individus pas gentils.
Maintenant qu'est ce qui ne va pas ? Premièrement une narration qui est un peu chaotique, les deux histoires qui s'entremêlent sont assez difficiles à discerner l'une de l'autre. Forcément c'est le même inspecteur, quand il parle on ne sait jamais à laquelle des deux affaires il fait référence, ce n'est même pas clair au début qu'il y a eu deux morts, vous me direz que c'est peut être moi qui n'est pas un cerveau assez performant pour suivre le film. Oh et puis la dernière scène dans le vestibule où les personnages des deux histoires se rejoignent, mon dieu que c'est lourd et attendu.
D'ailleurs c'est quelque chose de récurrent dans le film, la lourdeur et le manque de subtilité : sérieux le coup du boss qui lâche l'officier subalterne une fois qu'il a menti devant les médias (qui ne s'y attendait pas sérieusement ? :-) ) et puis le petit copain policier qui refuse d'aller à l'enterrement quasi en larme parceque mon Dieu les policiers sont quand même pas tous racistes, il y a aussi des gentils (ça vole haut en terme de réflexion en plus de ne pas être niais du tout). Je passe aussi les dialogues qui sont d'une lourdeur absolue, je pense à la remarque de la fille qui est prise par la police pour une demie française, qui arrive comme un cheuveux sur la soupe au milieu d'une conversation qui n'avait pourtant rien à voir. Mais par pitité un peu de subtilité, faites un peu plus qu'un reportage télé qui se contenterait banalement de distribuer les bons et mauvais points.
Et puis tout est cousu de fils blancs, on est jamais surpris, rien n'est montré sur le caractère systémique et non individuel des violences policières : c'est par exemple le méchant boss qui lâche son larbin et pas tout un appareil administratif qui tenterait d'étouffer l'affaire. Alors forcément si on ramène tout aux individus on ne comprend plus rien et on se retrouve avec un film qui a pour seul propos : "regardez le méchant flic raciste". Tout est amené de manière tellement lourde que ça en devient ennuyant, je vais prendre un exemple pour illustrer ce point :
"Un mec de l'IGPN enquête sur la bavure, le comissaire lui dit face à face qu'il défendra ses hommes quoi qu'il en coute, le suspect dit qu'il n'a fait que suivre les ordres". Vous voyez comme c'est fade mon petit résumé, bah c'est raconté exactement de la même manière dans le film. A aucun moment on voit l'opacité de l'administration et de la direction qui permettrait de cacher une bavure, d'un soutien tacite (un embrigadement ?) entre les hommes qui les pousserait à tout oublier ou encore le dysfonctionnement d'une institution qui transforme des mecs un peu paumés idéologiquement en barbares sanguinaires.
Non le film préfère enchaîner les lieux communs et les banalités. En bref le film ne procure pas beaucoup plus d'émotion que de lire la page wiki sur l'affaire, même le drame du côté familial est raté, les mecs n'ont plus aucune nouvelle de leur fils et ils n'ont même pas vraiment l'air de s'inquiéter puis un jour, sans qu'à aucun moment on ai ressenti ce moment de batement et de doute, ils apprennenent la mort d'Abdel, comme une conclusion qui serait arrivée sans aucun développement au préalable. On aurait pu par exemple aussi cacher le truc au spectateur qui aurait lui aussi eu le doute, ou encore multiplier les scènes du père qui essaye vainement d'obtenir une info auprès des flics, non on se tape juste un mec qui obéit au doigt et à l'oeil de la police (quand on lui interdit de voir son fils qui serait soi disant aux urgences et que le mec se casse comme si de rien n'était, je hurle) et un truc vide de tension. Au final, on arrive même pas vraiment à être ému quand la nouvelle tombe.
Bref si vous persistez à vouloir le voir, bon courage ! Et si vous voulez voir la même chose en mieux, alors lancez un Kechiche.