Robert Eggers aime sa créature , tout n'est que déférence en vers l'œuvre de Murnau et cela se ressent dans tout le premier tier du récit.
Bill Skarsgård campe un Seigneur Orlok grand, massif, une ombre aux yeux perçants accompagnée de loups,
potentiellement volontairement proche de Vladislav Tepes III, afin de rendre la frontière entre l'œuvre de Stoker et celle de Murnau encore plus floue
guttural, son perpétuel râle nous enveloppe comme il entoure le pauvre Thomas Hutter.
A la manière d'un Spielberg, Eggers nous tease, dévoilant tour à tour un bout de visage à la lueur pâle d'une cheminée, ici une coiffe et un bout de moustache à la faveur d'un clair de lune.
Véritable métaphore de la peste noire, Le vampire Nosferatu
restant en putréfaction alors qu'il se régénère via de multiples "repas"
ne reprendra jamais totalement forme. Accompagné d'une nuée de rats, l'ombre de son emprise s'étend à toute la population, dispersant un inéluctable désespoir, détruisant tout et quiconque se mettant entre lui et sa "destinée", moyens techniques aidant, de façon bien plus significative.
Eggers ne réinvente pas la roue, notamment car il reprend beaucoup de la composition des scènes, quasiment tous les moments clefs, du costume ou de certains looks des protagonistes du film de 1922 (les Bohémiens, Knock, Friedrich Harding et Thomas Utter, par exemple), à l'exception faite de la famille Harding et d'un final repensé, magnifié.
Cette nouvelle version, de part ses jeux d'ombres, le choix des couleurs, l'orchestration, est une saisissante réinterprétation gothique qui n'essaie jamais de surpasser l'œuvre originale (tout du moins, à une démarche de vouloir l'égaler) mais se démarque souvent par son parti pris, sur un fil ténu d'ajouts fort bienvenus. Une emprise d'Ellen Utter qui ne se limite pas à la possession de son corps mais de son âme, de ses aspirations profondes. A l'heure de Me Too, l'attitude du comte le rend encore plus terrifiant, exigeant une totale soumission, de corps et d'esprit, dans un érotisme cru, jusqu'à la dernière goutte.
"Il me contrôle, guide mes pas, si il me frôle, je ne réponds réponds plus de moi !" Ellen Utter
8.5/10