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Nosferatu
6.4
Nosferatu

Film de Robert Eggers (2024)

Romantisme et Mélancolie : le Retour du Fantôme de la Nuit

(Critique V1)


Introduction : De quel monstre parle-t-on ?


J'attendais depuis longtemps un nouveau film ou remake du Nosferatu de Murnau (1922) un peu dans la veine de celui de Herzog en 1979 (qui rajoute surtout l'épisode de la peste et l'idée de sacrifice de Ellen face au Comte Orlok).


Et autant, j'ai bien aimé le film sur le fond qui retranscrit bien l'image de mélancolie à l'époque du Romantisme (1838 en Allemagne ici), de cauchemar éveillé, de pactes avec le diable (allant parfois jusqu'à la possession) ainsi que des messages sur l'emprise d'un être malveillant sur ses victimes, sur l'amour et la folie. L'imagerie est assez fidèle aux tons froids des versions précédentes et on ressent bien la terreur que Thomas ressent quand il doit faire signer son contrat à Nosferatu dans son château de Transylvanie. Du moins ... surtout au début ou première moitié. Parce que la forme présente aussi quelques défauts gâchant un peu le film.



Défauts : Dracosackula le Vent Pire


En effet, le principal défaut pour moi dans cette version de Robert Eggers est l'apparence de son Nosferatu :

Au lieu d'être chauve à dents de rats et à la peau lisse quoique légèrement bossu et habillé à la début de 19e siècle, ce Nosferatu est plus proche de son modèle Vlad Tepes l'Empaleur lui même modèle pour Dracula de Bram Stoker. Sauf que la moustache et les cheveux dégarnis lui font plus ressembler à un de ses Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie, avec leur mine rigolote, mais version difforme et pestiférée dans le film. Ce qui tue la crédibilité du monstre du film selon moi, d'autant qu'il n'a pas la classe du Dracula de Coppola. On l’appellerait plus "Dracosackula le Vent Pire" à certaines occasions qu'autre chose.


On pourrait comprendre la démarche étant donné que Nosferatu EST censé être un avatar Dracula. MAIS le public et les fans ont l'habitude de faire la distinction entre le dandy romantique mi-prédateur mi-torturé de Bram Stoker et le monstre laid, obsédé et très brutal de Murnau. Mais honnêtement, le choix du film marche mieux quand le vampire est flou au début.


Si encore une fois, faire de Nosferatu la Peste personnifiée fonctionne, et si rajouter une dénonciation de la tyrannie en faisant de lui un despote démoniaque marche aussi, en revanche sa forme ressemble à un gloubi-boulga raté d'apparences vampiriques piochées un peu partout ou à un mélange entre les versions de Coppola et Murnau loin d'un équilibre recherché.


Puisqu'on parle d'équilibre et de distinction Dracula/Nosferatu, bah justement : c'est aussi là que ça pêche car on trouvera le film parfois plus proche de celui de Coppola que de celui de Murnau ou Herzog vu qu'on a aussi un équivalent de Van Helsing (ironique : Wilhelm Dafoe avait lui-même joué le vampire dans L'Ombre du Vampire qui était à la fois plus fidèle et plus original).



Avantages : Règne de la Nuit, Romantisme et Mélancolie


Pour autant, on pourra saluer l'ajout d'intrigues bien en liens avec les principales ainsi que de contextes (bien que certaines soulèvent plus de questions qu'autre chose) pour rendre le côté Destinée plus crédible que dans les versions précédentes.


Également dans le registre de la mélancolie de l'époque romantique citée plus haut : le développement de l'épisode de la peste par rapport à celle de Herzog rajoute une dimension tragique digne de l'époque (qui on rappelle est aussi celle de Mary Shelley et son Frankenstein ainsi que de Polidori et son Vampire). Le tout dans des couleurs majoritairement froides.

Friedrich, ami de Ellen et Thomas et riche armateur, perd sa femme et ses enfants mordus à mort par le Comte, et il va pleurer et succomber à son tour à la peste sur leurs cercueils dans le caveau familial.


C'est peut-être en analysant Nosferatu ici comme une représentation de la violence absolutiste envers les gens ordinaires comme Thomas et Ellen, vu que notre vampire exige qu'on l'appelle "Mon Seigneur" et impose une forme de contrat ("social") sans réel consentement des parties, qu'on peut mieux apprécier le film en passant outre l'apparence un tantinet décevante dudit Prince des ténèbres (et 1848, dix ans après les évènements du film, représente aussi une ère de révolutions contre les monarchies trop autoritaires).


D'ailleurs, le film développe aussi un peu mieux la relation entre Hélène et Nosferatu que dans la version de 1922 ou même 1979 :

Il s'avère que Ellen avait en fait déjà invoqué Nosferatu plusieurs années avant et abusé d'elle, mais ce n'est qu'en 1838 que ce dernier se souvient d'elle et va jusqu'à pestiférer sa ville allemande pour la retrouver et en refaire sa chose. Ellen d'ailleurs résiste plus à Nosferatu mais ça finit toujours en sacrifice de sa part pour l'arrêter.


Et même si le rapport dominant/dominé a déjà maintes fois été traité dans les films de vampires, il faut reconnaître que de tous les Nosferatu, celui-ci est le plus violent et sanguinolent même s'il fait encore une fois plus Coppola que Murnau.


Le sang est la vie !

Conclusion : Car il faut bien que la Nuit se termine

Enfin, et comme le dit le titre, l'on sait bien que les forces du Bien triompheront car il faut bien que le règne de la Nuit et du Mal (et de l'Obscurantisme d'une certaine manière) soit achevée par la victoire des Lumières tant philosophiques que physiques. C'est d'autant plus ironique que j'écris cette critique de la nuit du 31 décembre 2024 au 1er janvier 2025 (et ça pourrait expliquer pourquoi le film est sorti à Noël et se finit après la Nativité d'ailleurs).


Bien que à priori manquant parfois d'équilibre entre respect des anciens et nouvelle vision, le Nosferatu de Robert Eggers montre bien le côté obscur du Romantisme ; quand le rêve vire au cauchemar éveillé et à la mélancolie par l’immiscion d'un pouvoir violent et surnaturel dans la vie des innocents, des amants et des rêveurs.


Et pour en revenir à l'apparence de notre monstre : les rumeurs parlent d'une version de 3h du film présentée à la première projection-test, peut-être les choix de character design ont été imposées depuis cette fameuse projection. Et peut-être aura-t-on l'occasion en cette année de renouveau 2025 de voir une version justifiant mieux ces choix ou au contraire une plus fidèle à l'esprit de Murnau et Herzog. Qui sait ...

Darevenin
7
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Créée

le 1 janv. 2025

Critique lue 12 fois

Darevenin

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