Nosferatu
6.4
Nosferatu

Film de Robert Eggers (2024)

Pour la critique et le "milieu" du cinéma en général, Eggers est un troll. Un formaliste virtuose qui aime à prendre le spectateur pour un con, en planquant le véritable propos de ses oeuvres dans d'étroits interstices. Si The Northman était juste une blague dénuée d'intérêt pour prendre le chèque, Nosferatu se situe bel et bien dans la tradition, pour ne pas dire la filiation, de The Witch et de The Lighthouse.


Oui, le plus grand souci avec les stricto senso formalistes modernes, c'est qu'ils n'ont au fond pas grand chose à dire. Ils font des films pour les festivals, à destination d'un téléramesque public qui jouit toute gorge déployée de ne pas avoir compris des films où il n'y a rien à comprendre.


Les cabotinages d'Eggers, sont peut-être à sa destination. Ouais, il en fait parfois des caisses avec son sound design titanesque, qui, si il est toujours aussi efficace, surfe parfois dangereusement avec l'émotion dirigée. Pareil mec, avec ta direction photo qui multiplie les hommages à des toiles de maître et ton art de sublimer la lumière en contrepoint de zones blafardes, y a un côté gimmick signature, on sait que t'es le boss en la matière, mais l'humilité n'a jamais tué personne.


Nosferatu profite et souffre à la fois de cette méticuleuse orfèvrerie permanente, où une esthétique gothique plus subtile qu'il n'y paraît, suinte définitivement le grand cinéma par tous les pores. En ceci, l'hommage à un de ces films préférés, à savoir l'adaptation non officielle de Nosferatu par Murnau en 1922, est une certes peu académique mais très polie dédicace au sombre cinéma d'antan.


La chronique pourrait s'arrêter là, saluant la monumentale claque esthétique et dénonçant, un peu, l'interprétation très inconstante d'Aaron Talor Johnson, ainsi que certains passages un rien trop verbeux et théâtraux.


Mais on peut aussi célébrer ce qu'Eggers fait encore mieux, à savoir son propos sibyllin, planqué sous le fard et la beauté de sa mise en scène, presque hors champ.


Car si The Witch était la misérable dérive paranoïaque d'une famille de dévots incapable de remettre en question ses mauvais choix et ses errances autrement que par la volonté de Dieu, il soulignait surtout dans la lumière celle par qui le malheur arrive : la jouvencelle, coupable de tous les maux, rejoignant les sorcières que les culs bénis ne seront pas parvenus à brûler.


The Lighthouse était une tempête sous un crâne dans un phallus géant, où deux tarés cherchaient désespérément le leur, et surtout, ivres de lumière et de pouvoir, sombraient définitivement dans la folie du mâle qui les habitait.


Nosferatu, rend quant à lui hommage à toutes ces femmes, accusées de tout temps d'hystérie par la psychiatrie moderne quand leur sexe et leur plaisir, ces deux grands mystères que l'homme est souvent par peur incapable de comprendre et de contenter, devaient être corsetés sous le joug de la morale.


Le Nosferatu d'Eggers, sa créature, n'a rien de commun avec le Gary Oldman de Coppola, sexy et virile dans son étreinte. Ici, il n'est que métaphore putride, lépreuse, abjecte, icône du stupre et de la pulsion dans ce qu'elle a de plus dégradant. Mais c'est un mal, un fantasme autrement plus émancipateur que ce mâle qui l'abrite et l'emprisonne à une place que son inconscient depuis toute jeune lui dicte de ne pas suivre. Quitte à ce que les lilas de son triste mariage ne trouvent la vie éternelle que sur son lit de mort. Sainte Hellen en extase.


Bref, la critique va déchirer ce film, à titre personnel, une heure après son visionnage, j'en jouis encore, à mort et à cris.

Créée

le 26 déc. 2024

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