Ça n'est plus à prouver, Robert Eggers maîtrise sans vergogne l'esthétique artistique cinématographique. Certaines prises de vue sont répétitives mais c'est une pure merveille ; on ne se remet pas de ce soucis du détail gothique, baroque, médiéval, de ces paysages à couper le souffle, de cette fidélité sans pareille au monde du roman Dracula, et l'on va, sans s'inquiéter une seule seconde d'une gourde visuelle. Aucune déception apparente.
Les Jump scares, eux, désacralisent le film. On est plus en 2002 ça suffit.
Mais le gros non, c'est cette éternelle vision périmée de la femme mystique, magique, mais surtout possédée par le malin, manipulatrice, menteuse, fourbe, tentatrice, provocatrice. C'est fatiguant et ça n'a plus sa place dans le cinéma.
SPOILERS
Alors qu'elle "n'était qu'une enfant", Ellen, dans une période de grande fragilité émotionnelle et de détresse affective, se fait manipuler et abuser par Orlock ; ils ont des rapports sexuels et il est dit qu'il la "satisfait pleinement" à l'époque. Ça sent déjà l'emprise à plein nez.
À la fin, pour sauver la vie de son mari, de ses proches, et notamment de la ville entière, elle donne à contre cœur (car c'est clairement du chantage) sont CONSENTEMENT pour appartenir à Orlock. S'ensuit devant nos yeux un rapport sexuel où elle semble prendre du plaisir avec le monstre. Scène finale où ces messieurs arrivant devant leurs deux cadavres nus sur le lit, Albin dit que pour sauver tout le monde, Ellen a "accordé son amour" à Orlock.
C'est glauque : une ado est sous emprise sexuelle avec un monstre et doit se redonner à lui des années plus tard alors qu'elle pensait ne plus jamais le revoir. Bonjour le traumatisme. Et non, ce n'est pas de l'amour, mais une estime de soi brisée qui capitule, car, ah oui, elle a pas le choix. Quel message est envoyé ici ? Que la victime peut quand même aimer son agresseur. Mais que surtout, une femme peut prendre du plaisir pendant un viol, et qu'elle finit par aimer ça, au point d'en vouloir encore. Le rêve de tout violeur.
Pourquoi ces plans très gênants pour tout le monde (3 scènes, voir plus) , où Lily-Rose gémit de plaisir à un point où on se demande si c'est pas réel tellement elle le joue à la perfection ? Une fois de plus, est-ce nécessaire d'exhiber ce voyeurisme presque pornographique (le plan d'Ellen qui à genou lèche le sexe de Thomas à travers son pantalon en le regardant bien dans les yeux avec un angle de vue digne d'un classique porno sur PornHub) ? Pour info, c'est ça sexualiser une personne : c'est un réalisateur aux talents d'artiste incontesté qui ne se démènera pas pour trouver comment être subtil et montrer à l'écran le plaisir sexuel d'une femme, qui, on le rappelle se fait violer.
Robert, comme beaucoup d'hommes, est terrifié par les femmes. Je l'imagine complètement paumé et nier toute cette incompréhension en se laissant envahir par ses propres limites patriarcales ; la conclusion est simple, il faut se méfier des femmes car femme = danger. C'est le message de ses films.
PS : Aaron Taylor-Johnson a ruiné le film. Willem Dafoe pouvait franchement mieux faire et on ne peut qu'applaudir Nicholas Hoult ainsi que Lilly-Rose Depp, qui n'a quasiment que des rôles ultra sexualisés… On aimerait bien la voir autrement qu'humiliée. Mais a-t-elle le choix ?