Si le mythe de Nosferatu est issu de Dracula, ayant en commun la trame narrative issue du roman de Bram Stoker et la caractérisation de vampire, il en constitue le versant obscure, l’ombre d’une créature qui sinon use de ses charmes, de son pouvoir érotique à des fins de corruption et de gain de pouvoir. Aussi, là où l’acteur fait Dracula, l’acteur, dans Nosferatu, demeure dans l’ombre de ce dernier, vecteur d’un cauchemar qui le subordonne de la même façon que le personnage qu’il incarne. L’intelligence de Robert Eggers tient alors à s’attacher au décor, à la lumière, à la mise en scène, aux effets visuels, à la musique, à tout ce qui relèverait davantage de la technique que de l’interprétation à proprement parler. À ce titre, le cinéaste compose une atmosphère oppressante au sein de laquelle se déplacent puis se figent des comédiens minutieusement dirigés, organisés au sein d’un cadre fixe ; ils campent des êtres soumis aux forces d’un destin les accablant. La tragédie est le propre de Nosferatu, rendant son intrigue prévisible et ses intentions lourdement explicitées par le biais des dialogues – reproche souvent entendu, que nous pourrions reconduire également au chef d’œuvre de Murnau, tout aussi explicatif par ses panneaux textuels.
L’originalité du présent long métrage tient alors aux antécédents de la corruption d’Ellen, en ce qu’elle s’est rendue responsable de la prise de contact avec le démon pour obtenir de lui un assouvissement de sa pulsion sexuelle, à laquelle répond désormais une pulsion de mort. Soumettre à l’aurore le monstre revient, par allégorie, à projeter sous le feu des projecteurs – comprenons, confondre publiquement, aux yeux de tous – un vice qui, en demeurant caché, contamine la ville tout entière à la manière d’une épidémie de peste. Cette relecture contemporaine s’avère pertinente et s’incarne parfaitement au sein d’un récit oscillant entre les conventions sociales, synonymes de pudeur et de réputation, et le grotesque outrancier de leur traitement.