En la soirée du 15 avril 2019, le monde entier a les yeux rivés sur les flammes qui dévorent la cathédrale parisienne dédiée à la Vierge Marie. Alors que l’incendie a débuté à 18h18 et que l’alerte a été donnée 30 mn plus tard, il est 19h, et toutes les caméras sont déjà braquées sur ce drame qui se joue pour le diffuser partout dans le monde. Qu’on soit croyant ou non, pratiquant ou non, nul n’échappe à la stupeur devant ce spectacle, allant parfois jusqu’à verser des larmes de la même façon que Notre-Dame verse ses larmes de plomb. Nul ne peut échapper à ce sentiment devant ce bâtiment popularisé par Victor Hugo puis les studios Disney. Un combat s’engage alors sur ce site à l’aura qui ne le quitte pas, même en étant pour ainsi dire éviscéré. Un combat inégal, et nous pauvres pêcheurs de spectateurs toujours curieux, nous faisons corps avec les sapeurs-pompiers de Paris, regardant avec désolation les flammes gagner du terrain, ces flammes de l’enfer essayant de bouffer tout cru l’âme de ce lieu de culte. Et moi-même, j’ai dit à ma femme qu’il y avait fort à parier que cet incendie ferait l’objet d’un film.
Je ne croyais pas si bien dire, du moins si rapidement. Car il y a quelqu’un d’autre qui s’est dit la même chose, en des termes légèrement différents : Jean-Jacques Annaud, qui a dit à son épouse qu’il y aurait une pléiade d’imbéciles qui ferait un film sur cet événement. « L’imbécile, c’est moi, mais je ne le regrette pas ».
Et cela donne Notre-Dame brûle. Un film qui rentre dans la catégorie du témoignage pris sur le vif. Avec certes des moments pleinement scénarisés, mais aussi avec des vraies images prises le jour du drame : l’incendie, la chute de la flèche, la venue des personnalités politiques… Et surtout Jean-Jacques Annaud n’est pas tombé dans le piège de la fiction, en se contenant de ne reprendre que et exclusivement des faits connus, avec un enchaînement aussi inimaginable qu’invraisemblable de contretemps, d’obstacles et de dysfonctionnements en tous genres.
Pour cela, un long travail de documentation a été nécessaire : recueillir les témoignages bien sûr, que ce soit de badauds présents sur place, ou de séquences télévisées étrangères afin de retranscrire la portée internationale. A partir de là, certains fait ont pu être scénarisés, comme les embouteillages, les chants et prières improvisés autour du sinistre… Et enfin un long travail de construction de décors a pu être entamé. Pour pouvoir être le plus immersif possible, la cathédrale a été reconstituée à taille réelle. Ces décors seront pour certains d'entre eux brûlés au cours du tournage. C'est d'ailleurs l'une des caractéristiques du film : les flammes filmées sont vraies. Le réalisateur avoue dans une interview que la séquence la plus complexe à filmer durant le tournage, fut celle de l'effondrement de la flèche. Il a fallu reconstruire tout une partie du beffroi puis lui mettre le feu dans un studio. Même préparé depuis plusieurs semaines, le tournage d'une scène comme celle-ci restait un moment dangereux et nécessitait de tourner en équipe réduite, costumée d'un scaphandre de protection. Cette séquence fut d'ailleurs tournée en une seule prise sous 12 angles de caméras différents, les caméras étant protégées dans des crash box capables de protéger le matériel audiovisuel.
Cependant la cathédrale St-Etienne de Sens a été mise à contribution pour sa ressemblance avec Notre-Dame de Paris, ainsi que la cathédrale Notre-Dame d’Amiens pour le tournage de certaines scènes pour ne citer qu'elles. Le fait est que l’illusion est parfaite.
Maintenant, la grande question : cela donne quoi ? Parce que ce n’est pas tout de consacrer 20% du budget total dans les décors. On ne niera pas cette volonté de reconstituer ce triste événement dans sa plus fidèle réalité. D’ailleurs, un sous-officier des sapeurs-pompiers de Paris a veillé durant le tournage à la sécurité et était parallèlement conseiller technique, dans le but que tout ce qui allait être montré à l'écran soit crédible. Et je ne parle pas des acteurs qui se sont au préalable immergés dans une véritable caserne et formés aux gestes du métier. Outre le fait que ce film puisse être difficile à regarder pour les plus grands amoureux de l’édifice, du moins en attendant la fin de la reconstruction, il en ressort un film plutôt désincarné. Je veux dire sans parti pris. Un peu à la façon d’un documentaire des plus neutres qui soit. On peut contester cette quasi absence d’empathie envers ce monument de l’art baroque, alors que Notre-Dame est pour ainsi dire le personnage principal de ce film. Certes on sent bien le caractère d’urgence mêlée à de la panique chez Mikaël Chirinian dans la peau de Laurent Prades. Mais c’est tout. Nous aurions peut-être aimé accompagner davantage le formidable travail des pompiers afin de mieux rendre compte au spectateur toute la difficulté de la mission impossible qui se présentait devant les soldats du feu, plus encore que les scènes où ils se retrouvent coincés ou à l'étroit dans un escalier de pierres en colimaçon. Mais... est-ce qu'il y avait plus à montrer ?
Cependant on ne va pas cracher dans la soupe : il en ressort une œuvre simple, vraie, avec l’impression que seuls quelques cameramans ont pu avoir la chance de filmer les morceaux choisis pris sur le vif qui nous sont présentés dans ce film. Et… en aucun cas, on ne voit le temps passer.