On se demande ce qui s'est passé dans la tête de Romain Gavras pour écrire un tel scénario, mais on a là un film pour le moins original.
Imaginez un peu: Rémy, un jeune homme un peu pommé n'a ni véritable famille, ni véritable nationalité et pour cause, Rémy est roux. Mal dans sa peau, moqué et en colère contre l'intolérance chronique à laquelle il doit faire face, son chemin va croiser celui de Patrick (Vincent Cassel), psychanaliste solitaire, roux lui aussi. Tous deux vont se lancer dans un invraisemblable voyage pour l’Irlande, terre d’accueil de tous les roux. On comprend déjà que le film n'est pas complètement à prendre au sérieux.
Quoi qu'il en soit, on y croit jusqu'au bout et ce n'est guère surprenant. Gavras situe l'intrigue dans la région Nord qu'il prend un malin plaisir à enlaidir: personnages sortis d'on ne sait où, villes ouvrières et complexes pétro-chimiques sous un ciel gris métallisé sont le lot quotidien de nos protagonistes. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si Gavras choisit comme musique récurrente les notes pesantes et mélancoliques du superbe prélude de Rachmaninov.
Le racisme anti-roux semble poussé à l'extrême, si bien que Rémy et Patrick laissent petit à petit exploser leur rage contre les "autres", ceux qui ne sont pas roux et qu'ils méprisent pour leur bassesse d'esprit. Vincent Cassel excelle en quinquagénaire perturbé et nous propose une scène d'anthologie aussi gênante qu'incongrue (cf la scène du jacuzzi).
Et si pourtant le film semble être à prendre au second degré, on sent qu'il y a plus de profondeur et une véritable réflexion sur l'intolérance et le traitement de la différence par la société. Le voyage fait naître l'espoir à nos deux compères qu'une vie de liberté est possible, car c'est bien connu l'espoir fait vivre. Mais la réalité est bien plus cruelle.
Finalement, ce film est vraiment à voir pour la performance des acteurs, l'esthétisme et la musique.