C'est peut-être l'un des plus grands films que le cinéma mondial n'ait jamais pondu. D'ailleurs, l'académie des oscars ne s'est pas trompée en ne décernant pas moins de 5 petites statuettes à Chaplin et à ses amis (Meilleur acteur, meilleur second rôle, meilleur scénario original, meilleure musique et, la cerise sur le gâteau, meilleur film). Allociné l'a sobrement qualifié de "meilleur film de tous les temps"(ex-æquo avec 29 autres films) en recevant la note maximale de 5 étoiles (on pourrait même s'étonner de voir une critique sympa dans Télérama, comme quoi ça arrive)
Il faut dire que tout concoure à en faire un film de légende.
D'abord, il ne serait pas ce qu'il est sans Chaplin (bon c'est logique vu qu'il est à la fois le réalisateur, le producteur et l'acteur principal). Incroyable, hilarant, émouvant, burlesque, fou, génial, Charlie Chaplin est tout ça à la fois. Pas un moment il ne déçoit, pas un moment il ne faiblit. Pas un moment le film ne ralentit ou ennuie. Et ce grâce au talent d'acteur de Chaplin, revêtant à la fois la casquette de barbier juif un peu maladroit et idéaliste et celle de dictateur hystérique et mégalo. Ce grand écart est réalisé avec brio et intelligence. Paulette Goddard elle aussi est éblouissante et crève littéralement l'écran. A eux deux, ce couple d'acteur propose une relecture de l'histoire drôle et humaniste à la fois.
Car si le film se veut être une fiction, pas besoin d'être prix Nobel pour comprendre qu'il nous montre des événements étrangement similaires à ceux qui se déroulent alors en Europe. L'intrigue suit grosso modo l'histoire européenne de l'entre deux guerres:
Un jeune bizuth (juif) est envoyé au front lors de la première guerre mondiale, où il ne brille pas pour ses capacités guerrières. Il va sauver un officier allemand qui plus tard deviendra un responsable nazi et tentera de l'aider. De retour dans son quartier natal, il tente de reprendre le court normal de sa vie lorsqu'un dictateur fou s'élève en Tomania (pays imaginaire mais qui ressemble fort à l'Allemagne) et bientôt prône la haine du juif au travers de discours (hilarants) où le chancelier Hynkel (Hitler donc) semble possédé et inspire la peur jusque chez ses micros. Le film relate les pérégrinations de nos deux protagonistes (tous deux joués par Chaplin donc).
Ce qui fait la force du Dictateur, c'est d'être capable de susciter autant de sentiments contraires : le fou rire mais aussi l'émotion, la joie et la tristesse, la colère et la compassion. Chaplin réussit le tour de force d'être la source de tous ces sentiments. Finalement, il n'est pas possible de dissocier le film de la période de sa réalisation. Inutile de dire qu'en 1940, sortir un film qui critiquait ouvertement le nazisme est un acte de courage qui a valu à Chaplin de subir une pression importante à la fois de la part des US (qui n'étaient pas encore entrés en guerre, mais aussi de l'Allemagne qui ne voulait pas voir un tel film sortir dans les salles obscures, et qui pourrait servir de film de propagande, ce qui se passa effectivement).
Ce qu'on ne saura jamais, malgré les spéculations, c'est si Hitler en personne a vu le film (on le soupçonne de l'avoir vu à deux reprises, mais personne n'a jamais pu en témoigner). Qu'est-ce qu'il a bien pu en penser ? En tout cas ça ne l'a pas empêché de continuer son entreprise meurtrière.
Certifié label chef d’œuvre cinématographique par à peu près tous ceux qui l'ont vu (de vos grands-parents jusqu'à la voisine ménopausée et irascible), il est indispensable de l'avoir vu dans sa vie sous peine d'être taxé(e) de nul(le) voire pire, d'être lapidé(e) par une foule en délire.