Le film de Godard s'ouvre sur des scènes de guerre tirées d'archives historiques ou d'extraits de films. Ces guerres immémoriales seraient-elles pour l'auteur "notre musique", la musique récurrente et funeste de l'humanité? ou bien, en premier lieu, un clin d'oeil au cinéma, capable de rivaliser avec la réalité, ou de se mélanger à elle, jusqu'à nous tromper? Il semble que plus tard dans le film, le cinéaste confirme cette option.
Toujours est-il que ce film grave de Godard, tourné dans un Sarajevo qui porte encore les stigmates de la guerre yougoslave, mis en scène sur le mode du reportage documentaire et de la fiction, est une oeuvre souvent absconse. Godard, qui y apparait lui-même, évoque les guerres humaines -la guerre en Bosnie, le conflit israélo-palestinien et même le génocide indien- avec ses mots à lui ou ceux des autres, en érudit qu'il est. On pioche dans cet essai austère et complexe, sur la forme comme sur le fond, de belles idées, de brillants commentaires, toujours séduit par l'intelligence de Godard, en même temps que dérouté par son intellectualisme, attaché à son anticonformisme en même temps que largué par ses partis-pris artistiques.