Un Kore-Eda mineur (et donc un peu décevant), s'attachant cette fois-ci à l'adaptation du roman graphique Kamakura Diary ; œuvre qui, ô surprise, traite des relations familiales de quatre sœurs de sang. Le spectre familial reste toujours un sujet cher au cinéaste japonais, ici encore abordé avec une justesse désarmante.
Pas grand-chose à redire au sujet de Notre petite sœur, et c'est sans doute son principal problème. Les actrices sont formidables (l'occasion de rappeler que, oui, une femme peut interpréter un personnage de son âge à l'écran, prends-en de la graine Hollywood), et insufflent un naturel radieux à leurs interprétations (aucun égo boursoufflé dans le lot, les quatre femmes interagissent avec synergie et humilité, et bien mal intentionné celui qui souhaitera en placer une au-dessus des autres -sans subjectivité biaisée aucune, Masami Nagasawa c'est quand même la meilleure-), toutes sublimées qu'elles sont par le réalisateur et son attachement (que dis-je, son obsession) pour les plans (mi-)moyens. A l'aune de sa propre réputation, Kore-Eda fait toujours preuve d'une maestria sans égale quand il s'agit de ciseler son montage, de débuter et mettre fin à ses plans aux moments les plus opportuns. Il ressort de son cinéma une formalité singulière, organique, particulièrement apaisante. Yōko Kanno se charge de parachever ce tableau avec douceur, à l'aide de ses compositions discrètes mais très réussies.
Finalement, si le long-métrage rate de peu le coche, c'est qu'il est limité par son matériau de base. Tiré d'un josei manga (pendant féminin du seinen, équivalents japonais des romans pour young adults), Notre petite sœur ne parvient pas à donner au récit de ces bribes de vie les aspérités nécessaires pour le rendre mémorable. Si l'empathie pour les personnages est immédiate, leur écriture très typée empêche de les rendre surprenants, et le milieu de métrage a tendance à se perdre en une multiplicité de sous-intrigues qui n'ont pas toujours sens ou intérêt. En tant que grosse Madeleine certifiée, j'ai apprécié regarder un film moins chargé émotionnellement que certaines précédentes réalisations de Kore-Eda (Nobody Knows et Tel père, tel fils en tête), mais cette relative légèreté est à double-tranchant. Faute de vrai mordant, on devra donc se contenter d'une sublime mise en scène, certes un lot de consolation de choix, mais au-delà du contemplatif songeur, j'avais naïvement espéré un récit moins gentillet, avec une vraie pensée de fond, et pas simplement esquissé en creux. Dommage donc ; ceci dit, des toiles aussi superbes, j'en reprendrais bien tous les jours.