Notre siècle
7.7
Notre siècle

Documentaire de Artavazd Pelechian (1983)

On ne va pas se mentir, "Notre siècle" n'est pas le film le plus passionnant du monde à regarder. Muet, zébré de bribes polyglottes parfois incompréhensibles ou inintelligibles, d'un noir et blanc bleuté, peu ou pas narratif, poétique, documentaire et expérimental, le dispositif n'est pas sans lourdeurs et difficulté d'accès et le regarder chez soi dans le confort de son salon sur un écran d'ordinateur n'est pas chose aisée pour se passionner devant cet objet.

J'ai donc pris plusieurs heures et sessions de quelques minutes pour terminer cette presque heure de film, inégale mais pas inintéressante. Le début est très long, assez rebutant, puis quelques séquences emballent et la beauté étrange des images permet d'achever le voyage presque sans encombre.

Il s'agit donc pour ce cinéaste-poète arménien - que je ne connaissais ni d’Ève ni d'Adam - de se poser la question du plus vieux désir de l'homme : voler. Le point de départ et le point d'arrivée sont les mêmes : la conquête de l'espace. Le point de vue également, puisque le propos que l'on devine derrière les métaphores réitérées est éminemment pessimiste. L'homme n'est pas fait pour voler, il essaie, se plante, réessaie, se plante encore, et la conquête de l'espace n'est qu'un leurre et une source de souffrance et de désillusion.

Pour nous raconter tout cela sans paroles et sans histoires, le cinéaste se repose uniquement sur le montage, dans une tradition typiquement soviétique, qui emprunte autant à Eisenstein (les fameuses "attractions") qu'à Vertov (le côté documentaire plus les expérimentations) et qui produit parfois des cellules assez fortes. La musique est également bien utilisée dans l'ensemble avec de très jolis moments symphoniques et d'autres plus burlesques où le contrepoint didactique est assez saisissant. Film de montage donc, mais montage d'archives pour la plupart, glanées ici et là et d'une qualité variable, parfois presque illisible, parfois stupéfiante. Quelques plans de l'espace sont sidérants et rappellent immédiatement le récent Gravity, d'autres images particulièrement violentes d'accidents et de crash impressionnent assez. Amusantes également les visions des inventions successives de l'homme pour imiter l'oiseau. Mais la structure est répétitive; les métaphores mythologiques ou métaphysiques avec Icare - le cosmos - les volcans en éruption n'ont pas la puissance évocatrice d'un film de Kubrick ou de Tarkovski, références inévitables dans le domaine.

Dans l'ensemble, plutôt intéressant sur le plan théorique et esthétique, mais j'ai toujours un peu de mal avec l'expérimental dans la longueur. Singulier mais pas marquant.
Krokodebil
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Second Festival du Film de SensCritique, ma participation et 2014 : films vus, tout court.

Créée

le 16 janv. 2014

Critique lue 453 fois

3 j'aime

3 commentaires

Krokodebil

Écrit par

Critique lue 453 fois

3
3

D'autres avis sur Notre siècle

Notre siècle
Sergent_Pepper
8

"...éveiller dans le cœur des échos prolongés." (Victor Hugo)

Festival Sens Critique, 14/16 Pas de récit. Pas de dialogues. Pas de propos ? Après L’homme à la caméra de Vertov, où le ciné-œil donnait à voir la ville, Pelechian propose ici qu’on la quitte vers...

le 4 janv. 2014

10 j'aime

2

Notre siècle
Truman-
5

WHAT THE FUCK ?

Je n'ai pas compris l'utilité de ce "documentaire" et d'ailleurs peut on réellement qualifier ce métrage de documentaire ? Ça commence avec le des types dans un centre de commandement, je me dis...

le 11 déc. 2013

7 j'aime

5

Notre siècle
Nolwenn-Allison
5

Rage in space

Je crois bien que je suis passée définitivement à côté de ce film. Sa moyenne globale et la critique de Deleuze ne cessent de me le marteler. Et pourtant, même sous la torture, je ne pourrai affirmer...

le 8 déc. 2013

4 j'aime

5

Du même critique

Rush
Krokodebil
8

Le bec de lièvre et la tortu(rbo).

Pourquoi aimé-je le cinéma ? On devrait se poser cette question plus souvent. Elle m'est venue à l'esprit très rapidement devant ce film. Avec une réponse possible. J'ai d'ailleurs longtemps pensé...

le 29 sept. 2013

129 j'aime

12

Mister Babadook
Krokodebil
7

Mother, son, wicked ghost.

La cinéma australien au féminin est fécond en portraits de femmes un peu paumées, ou complètement névrosées. Il y a les héroïnes têtues et déterminées de Jane Campion, les monstres effrayants (Animal...

le 31 juil. 2014

105 j'aime

10