A partir d’un portrait de femme empêtrée dans un drame conjugal, Hinde Boujemaa tire Noura rêve du côté du thriller psychologique. De quoi vous prendre aux tripes.
Il y a un petit détail dans le droit tunisien qui fausse tout : l'adultère y est puni de prison. A partir de là, le sort de Noura (Hend Sabri) va se retrouver irrémédiablement scellé dans un dilemme insurmontable. Mal mariée à Jamel (Lofti Abdelli), délinquant à la petite semaine détenu en prison, cette mère de trois enfants vit une histoire d'amour clandestine avec un petit garagiste sans histoire, Lassad (Hakim Boumsaoudi).
Pas facile, mais les choses vont empirer quand par une inopportune grâce présidentielle, Jamel sort prématurément de prison. Les conditions de la tragédie sont donc en place : Noura est ainsi prise en étau entre un mari qui veut reprendre sa place, un amant qui veut continuer d'exister, des enfants à préserver. Avec cette toujours épée de Damocles de la possible prison au-dessus de la tête.
Si la société était égalitariste et libérale, nous aurions vu un simple drame conjugal. Dans la Tunisie d'aujourd'hui, Noura rêve bascule mécaniquement dans le thriller psychologique - avec un scénario habile qui privilégie les rebondissements.
La cinéaste belge-tunisienne HInde Boujemaa dénonce l'état de son pays : la corruption galopante et son "virilisme" extrême qui transforme la lutte entre le mari et l'amant en combat de coqs violent - avec à la clef, le viol comme arme d'humiliation ultime. Elle brosse surtout le portrait d'une victime : Noura est une femme terrorisée, pur produit d'une société patriarcale où les réflexes d'émancipation et les rêves de liberté sont atrophiés.
Ainsi, Nora rêve est une vraie réussite. Outre la force d'un propos parfaitement maitrisé, le film bénéficie d'une qualité d'interprétation (mention spéciale pour le comique Lofti Abdelli dans un total contre-emploi), d'un soin particulier apporté à sa photo et même d'une excellente B.O (où l'on retrouve avec plaisir les Français d'Oiseaux-Tempête). On reparlera d'Hinde Boujemaa, c'est sûr.