En s’inspirant du livre "Les Passagers du Roissy-Express" de François Maspero, la réalisatrice Alice Diop met en lumière le multiculturalisme qui caractérise la Seine-Saint-Denis en observant les habitants qui évoluent le long de la ligne du RER B (qui traverse toute l’Île-de-France, du Nord au Sud, de l’aéroport CDG à la vallée de Chevreuse).
Nous (2021) est une sorte de road-movie qui a tendance à (hélas) fréquemment perdre le spectateur en cours de route. Bien que cela soit volontaire, pas une seule fois Alice Diop ne prendra la peine de nous donner des informations sur les lieux qu’elle filme, si bien que, les spectateurs qui ne connaissent pas le 93 risquent fort d’être déboussolés en manquant de repaires. Pour ma part, comme je réside dans ce département, j’avais quelques facilités pour m’y repérer, mais il est regrettable que la réalisatrice ait préféré laisser planer des zones d’ombres. On reconnaîtra entre-autres, la gare de Sevran-Beaudottes, la Basilique de Saint-Denis (avec sa crypte), la gare du Stade-de-France, Drancy et son mémorial de la Shoah, le Bourget, le parc départemental du Sausset ou encore la forêt de Fontainebleau.
Avec ses 120 minutes au compteur, le film accuse fréquemment des longueurs, la réalisatrice privilégiant les plans longs, sans coupe, quitte à filmer des scènes sans grande importance. En suivant la ligne du RER, elle filme ses passagers au grès de quelques rencontres, on y croise un ferrailleur, une infirmière à domicile (la sœur de la réalisatrice), une femme de ménage, un écrivain ou encore le suiveur d'une chasse à courre, le tout entrecoupé par des images d’archive qu’elle ou sa sœur avait filmé (on y croise notamment sa mère et son père).
C’est d’ailleurs à travers ces instants plus personnels que le film prend réellement toute son ampleur. Ça dénote totalement avec le reste du récit, son histoire personnelle (seules scènes qu’elle accompagne en voix-off) ainsi que les échanges avec sa sœur s’avèrent bien plus intéressants que le reste du film. On sent un réel décalage entre ce qu’elle filme de la vie quotidienne avec ses habitants et sa propre histoire avec ses parents immigrés sénégalais.
Des moments de flottement viennent constamment casser le rythme du film, sans oublier l’étrange immersion en pleine forêt où l’on finit par comprendre où veut en venir la cinéaste. Elle montre l’opposition flagrante entre les classes populaires et les classes supérieures, avec d’un côté, le Nord de la ligne du RER avec ses cités et le trafic autoroutier (source de pollution sonore) et de l’autre, le Sud de la ligne, avec la forêt verdoyante et cette chasse à courre avec le rallye de Fontainebleau.
Des portraits épars à l’image du melting-pot qui compose la Seine-Saint-Denis, un voyage multiculturel et contemplatif qui aurait gagné à être présenté de façon différente.
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