Je n'avais pas revu ce film depuis très longtemps, ça fait tout drôle, mais c'est bénéfique car il fait un bien fou à l'âme si on a des soucis, car il redonne espoir. Théoriquement, c'est un film sur la boxe, mais tout est vu de façon intériorisée et psychologique, il ne faut donc pas s'attendre à des combats percutants et spectaculaires comme dans les Rocky ou même Marqué par la haine qui racontent l'ascension d'un boxeur. De plus, le film s'apparente à un traitement de film noir.
Jouant sur le temps réel, le film dure le temps des événements qu'on y voit, en situant l'action dans les abords immédiats du ring où se déroulera le combat décisif, il raconte l'histoire d'une chute, mais une chute triomphale, à travers le portrait d'un loser, un paumé, un boxeur fini, un "vieux" (à 35 ans pour un boxeur, c'est le 3ème âge) qui décide de se resaisir et de finir en beauté, il doit gagner ce soir, il gagnera même si c'est dans la douleur et brisé ensuite par une bande de truands qui gangrènent ce sport.
Le film se décompose en 2 parties : la première partie qui se déroule dans le vestiaire, et la seconde centrée sur le match de Stoker qui veut gagner. En 72 minutes, Robert Wise précipite le spectateur dans un univers glauque, poisseux, sordide et corrompu, peuplé de managers véreux, de boxeurs de seconde zone plein d'illusions et d'angoisses, de spectateurs avides de sang et de mafieux qui se réjouissent de leurs mises. L'hôtel où attend la femme de Stoker est miteux, le vestiaire est miteux, les mecs qui y gravitent sont des boxeurs qui ont pris trop de coups et qui délirent, ils ressassent leurs espoirs et leurs désillusions, ce sont de pauvres gars qui disputent des matches miteux en 4 rounds et qui espèrent un jour atteindre le championnat. La façon dont Wise décrit tout ce petit monde est éblouissante, créant une atmosphère particulière et un point de vue émotionnel. En observant tous ces gars dans le vestiaire, son héros, Stoker est illuminé par une sorte de noblesse à la dignité naïve, c'est ce qui fait de Nous avons gagné ce soir un des meilleurs films sur la boxe.
La forme est superbe avec son réalisme de nocturne citadin, car l'action entière se déroule la nuit, le style de l'image, le tempo, la lumière façonnée dans la masse d'une ville qui n'est pas nommée, tout ceci est déja formidable, et la composition bouleversante de Robert Ryan, mérite à elle seule de ne pas rater ce film.