Usé jusqu'à la couenne, Bill Thompson, dit Stoker, s'apprête à disputer un nouveau match de boxe. Il n'y a plus d'entrain chez cet homme fatigué pour qui les victoires ne sont plus que de vieux souvenirs de jeunesse et d'une époque à jamais révolue. Plus personne ne croit en lui, ni ses amis, ni son entraîneur qui manigance dans son dos une combine (le « Set-Up » du titre original), ni même sa compagne qui provoque une dispute avant son départ, trop angoissée à l'idée de voir l'homme qu'elle aime être la risée de tous les spectateurs et de le laisser martyriser à nouveau son corps. Hésitant à assister au match, elle choisira plutôt d'errer dans les rues alentours pour tromper son anxiété. Stoker, au moment de monter sur le ring, s'aperçoit de son absence et, dans un moment d’orgueil, il décide que ce soir, il ne se couchera pas. Il a suffisamment encaissé, s'est trop souvent couché, ayant perdu toute estime de lui-même et s'étant enfermé dans une spirale infernale d'échecs. Ce soir, il prouvera a sa compagne qu'il n'est pas le raté qu'elle voit en lui, qu'il n'est pas fini. Il encaissera donc toutes les attaques, se relèvera de tous les coups, ne laissera aucun répit à son adversaire et sera sourd aux rappels à l'ordre de ses coachs, l'informant de la combine fomentée dans son dos. Mais ce n'est pas une question d'argent pour Stoker, c'est d'honneur et d'amour qu'il est question. Cette victoire est une déclaration d'amour à la femme aimée et absente. Quand bien même il paiera pour ne pas s'être couché, il aura gagné (comme le rappel le magnifique titre français, une fois n'est pas coutume) en se prouvant et en prouvant qu'il n'était pas le raté que tout le monde voyait en lui.
Film Noir respectant les codes du genre fortement influencé par la tragédie, ce qui transparaît ici par le personnage de Stoker qui se perd par orgueil et amour, Nous avons gagné ce soir reste aujourd'hui régulièrement cité par son côté précurseur sur le plan technique et notamment du montage. En effet, en 1949, Robert Wise signe un des premiers films à s'éloigner des studios pour aller prendre le pouls de la rue, ce qui donne à The Set-Up un cachet indéniable et remarquable à l'époque. Mais, les années ont passées et désormais, difficile d'être passionné par la première partie du film, consacrée à l'attente de Stoker et à la mise en place de la combine. Ce qui était une des innovations de l'époque (suivre en temps réel le destin d'un personnage) handicape désormais le film puisque il faut attendre plus de la moitié du film pour passer au morceau de bravoure : le combat dont la mise en scène reste impressionnante et captivante encore aujourd'hui et n'a rien à envier au travail de Scorsese sur Raging Bull. On se retrouve ainsi face à un film qui touche et passionne par ce qu'il raconte mais ennuie souvent par la manière dont il le raconte. A revoir peut-être plus tard.